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On lit fréquemment sur Internet que la viande contient des antibiotiques, des hormones ou le lait contient du pus, des antibiotiques etc. Tout juste si ces aliments ne contiennent pas de substances radioactives.

Regardons les faits pour se prononcer ensuite sur la pertinence de ces informations.

Les informations suivantes concernent la France et les références règlementaires sont celles en vigueur à la date de parution de cet article.

Deux précisions avant de poursuivre la lecture :

- dans cet article on traitera des hormones ajoutées intentionnellement dans l'alimentation des animaux, pas des hormones présents naturellement dans les aliments comme le facteur de croissance IGF1 dans le lait par exemple. Sur cette problématique, l'ANSES a rendu un avis (https://www.anses.fr/fr/content/facteurs-de-croissance-du-lait-et-des-produits-laitiers-lanses-publie-son-avis-concernant)

- on ne traitera pas de la problématique d'antibiorésistance qui se développe chez les animaux et par répercussion sur la santé publique humaine. En effet, l'émergence et la diffusion croissante de souches de bactéries résistantes aux antibiotiques remettent en question l’efficacité de ces traitements tant chez l’Homme que chez l’animal. On traitera dans cet article uniquement  la présence d'antibiotiques dans la viande, pas de germes antibiorésistants.

Le mythe des antibiotiques, du pus et des hormones dans la viande et le lait
Des données chiffrées
Chaque année, dans le cadre du dispositif de sécurisation sanitaire des aliments, la direction générale de l’alimentation (DGAL) pilote la mise en œuvre de plans de surveillance et de contrôle (PSPC). Ils visent à surveiller la contamination des productions primaires animale et végétale, des denrées alimentaires d’origine animale et de l’alimentation animale.

Ces plans constituent un outil essentiel de la sécurité sanitaire des aliments et contribuent dans le même temps à la valorisation des produits agricoles et agroalimentaires français à l’exportation. Chaque année, environ 60 000 prélèvements sont effectués dans le cadre de ces PSPC, donnant lieu à plus de 800 000 résultats d'analyses effectuées par des laboratoires agrées, encadrés par des laboratoires de référence.

Regardons dans le détail ces résultats pour voir si effectivement on trouve des antibiotiques dans la viande et le lait.

Dans son bilan 2015, la DGAL indique noir sur blanc : "En production animale, les contaminants recherchés sont essentiellement les substances interdites et promoteurs de croissance (35 % du total des prélèvements), tels que les protéines animales transformées, le chloramphénicol ou les stéroïdes, et des résidus de médicaments vétérinaires (26 %), tels que les antibiotiques ou les anti-inflammatoires. La recherche des autres contaminants chimiques
(métaux lourds et polluants organiques persistants) et celle des contaminants biologiques
représentent respectivement 12,5 % et 3,9 % du total des prélèvements."

Sur 6882 animaux prélevés dans la filière bovine, les analyses ont mises en évidence :

- 41 prélèvements non conformes, soit...0.6 % de non conformes en détection de résidus médicamenteux vétérinaires, ce qui inclut les antibiotiques mais aussi d'autres médicaments vétérinaires comme les anti inflammatoires etc. On est donc TRES LOIN d'une contamination massive et généralisée de la viande par les antibiotiques. Pour la filière porcine, 0.1 % de non conformité sur 7004 animaux prélevés.

- 1 prélèvement non conforme sur 11 224 animaux prélevés, soit presque 0% de non conformes en substances ayant un effet anabolisant ou interdites. On est donc aussi TRES LOIN d'une contamination massive et généralisée de la viande par des "hormones", encore faudrait-il savoir ce que les personnes qui parlent d'hormones sous-entendent, question à laquelle je n'ai jamais eu de réponse. Pour la filière porcine, 0% de non conformité sur 4692 animaux prélevés.

- tout paramètres confondus, dans la filière bovine, le taux de non conformité est de 0.2 % (sur 18 106 bovins analysés). Dans la filière porcine, le taux de non conformité est de 0.1 % (sur 11 696 porcins analysés)

Les cas non conformes sont traités par la DGAL et des mesures appropriées sont mises en places pour retrouver une situation de conformité. Des inspections ont été menées dans les élevages dont étaient issus les animaux présentant une non conformité. Les comptes rendus d’inspection ont été transmis aux intéressés avec a minima rappel à la réglementation.Lorsque la traçabilité le permettait, les animaux ayant présenté une non-conformité ont fait l’objet d’une saisie, totale (carcasse et abats) ou partielle.
 

 

 

Le mythe des antibiotiques, du pus et des hormones dans la viande et le lait

Qu'en est-il pour le lait ?

Pour 1746 prélèvements effectués, 0 % de non conforme en détection de résidus médicamenteux vétérinaires et substances ayant un effet anabolisant.

En conclusion et considérant ces données chiffrées, dire que la viande et le lait sont contaminés massivement par des antibiotiques est faux. Au contraire, on ne peut qu'être rassuré du respect par une grande majorité des éleveurs de la règlementation sanitaire en vigueur.

Qu'en est-il de la filière végétale ?

Sans m'apesantir sur le sujet,  sur un total de 726 prélèvements effectués pour la recherche de résidus phytosanitaires, on note un taux de non conformité de 7.58 %.

Il ne s'agit pas de faire un comparatif fallacieux entre la production primaire animale et végétale, les deux étant soumises à des problématiques et des mesures de gestion différentes. Mais ceux qui s'inquiètent de la présence d'antibiotiques dans la viande feraient mieux de s'inquiéter de la présence de résidus de produits phytopharmaceutiques dans les végétaux.

Tout les chiffres dont je vous ai parlé sont consultables sur ce lien ci-après. J'invite ceux qui disent que la viande regorge d'antibiotiques à me fournir les leurs pour alimenter le débat.

Que dit la règlementation européenne et française sur la présence d'antibiotiques dans la viande et le lait ?

Les animaux, tout comme les humains peuvent tomber malade et quand c'est nécessaire, doivent être soignés avec des antibiotiques. Dès lors qu’un animal est sujet à une infection bactérienne, il peut recevoir un antibiotique car seuls des animaux sains peuvent fournir des denrées alimentaires sans risque pour la santé du consommateur. Par ailleurs, l’éthique impose de prendre en charge un animal malade, pour son bien-être.

Des antibiotiques peuvent également être utilisés même lorsqu'un animal n'est pas malade. La plupart des animaux de production ou de rente sont élevés en groupe (volailles, porcs, veaux, bovins …). Pour cette raison, la médecine vétérinaire en élevage est une médecine de population et non d’individus. Quand une maladie apparaît ou lorsqu’il y a un fort risque qu’une maladie se déclare (bactérie présente dans l’élevage), tous les animaux ne sont pas touchés en même temps. Mais compte tenu de la proximité des animaux, le risque de contagion est grand. Le vétérinaire peut être amené à traiter l’ensemble du groupe sans attendre que tous les animaux manifestent des symptômes.

L'arrêté ministériel du 5 juin 2000 définit ce qu'on appelle le registre d'élevage. L' article L. 234-1 du code rural et de la pêche maritime indique : "…Tout propriétaire ou détenteur d'animaux appartenant à des espèces dont la chair ou les produits doivent être cédés en vue de la consommation doit tenir un registre d'élevage régulièrement mis à jour sur lequel il recense chronologiquement les données sanitaires, zootechniques et médicales relatives aux animaux élevés…"

Tout vétérinaire intervenant lors d'une visite sur l'exploitation doit viser le registre d'élevage concernant ces animaux, en précisant la date de son intervention et son nom. Il doit y noter Les traitements prescrits, l'identification des animaux concernés, les temps d'attente
correspondants. Les mêmes mentions doivent figurer quand c'est l'éleveur qui effectue les soins.
 

(Source GDS Franche Comté)

(Source GDS Franche Comté)

Délais d'attente ?

Pour les espèces animales destinées à la consommation humaine , une limite maximale en résidus de médicaments (LMR) est fixée par la réglementation européenne.

Le respect de la réglementation relative aux LMR implique un temps d’attente, c’est-à-dire un temps nécessaire pour que l’animal élimine la quasi totalité des traitements avant que les produits ou denrées qui en sont issus ne soient consommés : les denrées sont ainsi sans danger pour la santé du consommateur.Ce temps d’attente est défini en fonction du médicament.

A l’issue de ce temps d’attente, la teneur en substances actives provenant du médicament est suffisamment basse pour être considérée comme inoffensive. Le temps d’attente est entre autres calculé en fonction de la Limite Maximale de Résidus (LMR). Pendant ce délai, l'animal ne peut rentrer dans la chaîne alimentaire. Ce délai est consigné dans le registre d'élevage et les services de contrôle vérifient ce registre.

Car le saviez vous, tout comme chez l'homme, les antibiotiques ne restent pas indéfiniment dans l'organisme des animaux de rente. Ces derniers possèdent également un foie pour métaboliser et dégrader la substance médicamenteuse.

En conclusion et considérant ces éléments, la réglementation est très précise sur la présence d'antibiotiques dans la viande et au vu des données chiffrées précédentes, on ne peut que constater un respect global par la profession agricole de ces dispositions. Quelle que soit la durée de traitement, la présence de résidus est sans danger pour le consommateur dès lors que le temps d’attente a été respecté. Le respect de ce temps permet de garantir que la quantité de résidus se situe en dessous de la limite maximale en résidus de médicaments.

Des hormones dans la viande ?

La première question qui vient à l'esprit est de savoir de quelle(s) hormone(s) on parle. Pour avoir posé la question directement à ceux qui disent que la viande contient des hormones, j'attends toujours leur réponse aujourd'hui. On ne peut donc qu'émettre des hypothèses. J'émets l'hypothèse que ces hormones sont des facteurs de croissance et/ou des substances anabolisantes. La médecine vétérinaire peut utiliser des hormones comme l'ocytocyne (problème de lactation) ou des hormones pour réguler le cycle de reproduction des animaux mais ces produits sont soumis à la législation des médicaments et donc dispose d'un délai de latence, point qu'on a vu précédemment.

L'Union européenne a interdit en 1988, pour des raisons sanitaires, les importations de viande bovine issue d'animaux traités aux hormones de croissance

Dans l'Union européenne, la directive 96/22/CE interdit l'administration de certaines substances aux animaux d’exploitation. Les substances concernées sont:

  • les thyréostatiques;
  • les stilbènes, les dérivés de stilbènes, leurs sels et esters;
  • l’œstrodiol 17 bêta et ses dérivés estérifiés;
  • les substances bêta-agonistes (dérogations possibles); et
  • les substances à effet œstrogène (autres que l'œstradiol 17 bêta et ses dérivés estérifiés), androgène ou gestagène (dérogations possibles, interdiction provisoire pour laisser à la Commission le temps de nécessaire pour évaluer les risques de ces substances pour la santé humaine).

La directive 96/22/CE interdit:

  • la mise sur le marché des substances énumérées précédemment en vue de leur administration à tout animal dont la viande ou les produits sont destinés à la consommation humaine (à part des exceptions thérapeutiques et zootechniques);
  • la mise sur le marché et l’abattage d’animaux contenant ces substances ou des résidus de ces substances;
  • la mise sur le marché de viandes ou de produits d’origine animale contenant ces substances ou des résidus de ces substances;
  • la détention de ces substances sur une exploitation.

Les plans de surveillance dont nous avons parlés précédemment indiquent que le taux de non conformité détecté de certaines de ces substances est de 0 %

En conclusion, affirmer qu'il y a des hormones de croissance dans la viande en Europe est faux. Aux Etats-Unis et au Canada, l'usage d'hormones est effectivement autorisé et rigoureusement encadré. Peut-être que les gens qui parlent d'hormone dans la viande font un amalgame avec la viande outre Atlantique.

Du pus dans le lait ?

Le pus est un liquide épais de couleur blanche ou jaunâtre qui peut s'accumuler puis éventuellement s'écouler au niveau des zones subissant une infection. Il est composé d'un mélange de globules blancs altérés, de débris de cellules mortes et de bactéries. Habituellement, l'action des cellules de l'organisme participe à l'élimination de cette substance liquide, mais lorsque le pus s'accumule localement dans une cavité ou un espace cloisonné, il peut former un abcès et détruire progressivement les tissus environnants.

Mais qu'est ce qui dans le lait peut faire penser à du pus ? J'émets l'hypothèse des cellules somatiques. Les cellules somatiques présentes dans le lait sont principalement constituées de globules blancs, lesquels sont produits par la vache pour détruire les bactéries ayant pénétré dans le pis et responsables de la mammite, ainsi que pour regénérer les tissus endommagés. Les globules blancs sont toujours présents dans le lait, et leur nombre augmente lorsqu'un agent infectieux s'introduit dans le pis ou lorsque celui-ci est abimé. Il en résulte parfois un blocage des canaux galactophores (transportant le lait), ce qui se traduit par une production de lait plus faible, car les cellules sécrétrices situées au-dessus du point d'obstruction se tarissent. Le taux de cellules somatiques du lait est un indicateur de qualité sanitaire et technologique. Plus le nombre de cellules somatiques dans le lait est élevé, plus la probabilité de contamination de la mamelle est forte. Cet indicateur est utilisé à la fois par les éleveurs pour identifier les animaux sensibles au sein de l’élevage, et par les laiteries pour qualifier le lait livré. Ces cellules somatiques sont soit des cellules épithéliales qui se détachent de la muqueuse au cours de la traite, soit des cellules immunitaires.

Le taux de ces cellules somatiques, avec d'autres critères,  est vérifié en France par le contrôle laitier,  sous statut associatif, syndicat, coopérative ou service de Chambre d'Agriculture.

Les résultats à l'échelle nationale du contrôle laitier sont disponibles au public et consultables au lien suivant :

 

 

Le mythe des antibiotiques, du pus et des hormones dans la viande et le lait

Je cite, pour les bovins" : "La proportion de lactations qui comptent au moins 2 contrôles avec une numération cellulaire supérieure à 800 000 cellules baisse sensiblement en 2015 pour atteindre 15,1% (16,1% en 2014). En parallèle, la part des lactations dont la numération cellulaire de l'ensemble des contrôles est inférieure à 300 000 cellules augmente assez fortement à 44,6% (contre 42,4% en 2014)."

Au vu de ces chiffres, on est donc loin d'un lait contenant du pus et il convient même de noter une amélioration du taux de non conformité par rapport à l'année précédente.

A ces contrôles se rajoutent également également les contrôles des industriels du lait à réception. Dans tout les cas, des systèmes de contrôles sont en place et lors d'une détection, des mesures d'accompagnement sont mises en place pour les éleveurs afin d'améliorer ce taux.

Rappelons également que chez l'être humain, les cellules immunitaires sont abondantes dans le lait maternel. Elles sont constituées de globules blancs, ou leucocytes, qui combattent eux-mêmes l'infection et activent d'autres mécanismes de défense. C'est dans le colostrum que l'on retrouve la quantité la plus impressionnante. Considérant ceci, je me vois difficilement dire à une maman allaitante que son lait contient du pus.

En conclusion, on ne peut pas comparer le lait a du pus ni affirmer qu'il y a systématiquement du pus dans le lait. Sauf situation pathologique comme une mammite ou autre infection, le lait ne contient pas de pus, et le cas échéant, l'anomalie serait souvent détectée avant la commercialisation du produit.

Pour conclure

Tout les éléments évoqués précédemment nous montrent qu'associer antibiotiques, hormones et viande,  antibiotiques, pus et lait, relève du mythe. Les données chiffrées des plans de surveillance nous indiquent qu'on est très loin d'une contamination généralisée. Par conséquent, vous pouvez sans craintes consommer de la viande et du lait par rapport à ces problématiques.

Il faut garder à l'esprit que ce sont des plans d'analyses statistiques. Rien ne peut exclure qu'un produit non conforme n'ait pas pu être détecté. C'est un biais inhérent à tout plan d'échantillonnage mais on peut affirmer que non, la majorité des viandes et du lait qu'on consomme ne présentent pas de problème par rapport aux antibiotiques et au pus.

Par conséquent, les gens qui prétendent que le lait contient du pus, la viande des antibiotiques et des hormones, sont soit des menteurs soit des gens mal informés. Ces affirmations se retrouvent souvent sur certains sites vegans et c'est bien regrettable que des fausses informations soient utilisées pour  défendre une cause. Personne n'y gagne en faisant de la propagande.

Bien entendu le débat est ouvert et je suis à l'écoute de tout élément, je précise bien entendu des données chiffrées, pour pouvoir débattre.

Sources

http://agriculture.gouv.fr/plans-de-surveillance-et-de-controle

http://agriculture.gouv.fr/questions-reponses-les-antibiotiques-usage-veterinaire-et-lantibioresistance

http://agriculture.gouv.fr/tout-savoir-sur-les-antibiotiques-et-lantibioresistance

https://www.fagg-afmps.be/fr/veterinaire/medicaments/medicaments/bon_usage/temps_d_attente

http://idele.fr/recherche/publication/idelesolr/recommends/resultats-de-controle-laitier-france-2015.html

http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv%3Al12032b

http://www.lot.chambagri.fr/productions-animales/controle-laitier.html

http://www.lllfrance.org/1349-comment-le-lait-maternel-protege-les-nouveau-nes

Le lait et les produits laitiers dans la nutrition humaine. Collection FAO, alimentation et nutrition, 1995

Article L. 234-1 du code rural et de la pêche maritime

Arrêté ministériel du 5 juin 2000 relatif au registre d'élevage

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