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Histoires de lichen

Cet article est le bilan d'une série d'épisodes de vulgarisation et d'observations naturalistes en 16 épisodes que j'ai consacré aux lichens durant l'hiver 2017. Ces articles sont parus chaque samedi sur le blog de l'Association naturaliste Alsace Bossue (ANAB -http://naturealsacebossue.over-blog.com/). En quelque sorte vous avez ici l'intégralité des épisodes, remaniés en chapitres et augmentés. La grande majorité des photos sont de ma réalisation, sinon, le nom de l'auteur est précisé. Les vues rapprochées ont été effectuées avec une loupe binoculaire au grossissement x20. Les lichens ont été naturalisés sur des arbres de ripisylve (frêne, saule, aulne etc.) bordant une prairie permanente sablonneuse, mais aussi divers rochers, dans la vallée de la Sarre en Moselle ou dans le Grand Est de la France.

Cet article est le fruit de mes recherches et réflexions sur ces organismes peu connus et pourtant relativement courant autour de nous. Il s'agit également de la synthèse d'une étude bibliographique d'articles de vulgarisation, de thèses, de publications scientifiques réalisée sur ce sujet et dont vous trouverez les références à la fin de l'article. Ce qui m'a inspiré dans la création de ces épisodes est la magnifique série télévisuelle "L'aventure des plantes", conçue par feu Jean Marie Pelt en 1982 et sa saison 2 en 1986. Les longues soirées hivernales ont été propices à revisionner cette série révolutionnaire à l'époque. Pour les passionnés de botanique, je ne peux que vous encourager à visionner cette série. C'est à travers 16 chapitres de vulgarisation que je veux vous raconter l'incroyable aventure des lichens.

Une histoire qui débute sur une terre hostile, il y a plus de 400 millions d'années, entre des organismes que tout opposaient et qui ensemble vont écrire un chapitre du vivant dont le déchiffrage a peut être des conséquences non négligeables sur notre propre avenir. Nous allons voyager également dans le grand nord canadien sur les traces des rennes, nous arrêter en Asie pour découvrir des plats surprenants, s'effrayer avec des crânes humains au Moyen-Âge, nous interroger sur la notion même de symbiose, découvrir un arsenal militaire étonnant, rencontrer un mollusque marin unique en son genre, voir comment les lichens nous montrent le changement climatique en cours et tant d'autres choses déconcertantes et d'actualité sur ces organismes. Bienvenu dans Histoire de lichens.

Histoires de lichen
Chapitre 1 - Présentation des lichens
Qu’est ce qu’un lichen ?

 

Le mot « lichen » vient du grec λειχἠν, « dartre, cal, plante parasite ». Les dartres en médecine ont l’apparence de petits plaques arrondies, sèches et squameuses qui se forment sur la peau. Autrefois, on assimilait les lichens sur les arbres à ces dartres, une comparaison peu flatteuse.

Prunellier enveloppé de Xanthoria parietina

Prunellier enveloppé de Xanthoria parietina

Un lichen peut également être nommé « champignon lichenisé ». Ce sont donc des organismes étudiés par les mycologues. La branche de la mycologie qui les étudie est la lichénologie.

Ramalina farinaceaRamalina farinacea

Ramalina farinacea

Les lichens n'ont ni racine, ni tige, ni feuilles mais ce qu'on appelle un thalle. Un thalle est le corps végétatif non différentié d'un organisme (comme chez les champignons et les algues). Ce ne sont donc pas des végétaux comme on l'a longtemps cru.

Certains champignons peuvent réaliser des symbioses. Une de ces symbioses est l'association mycorhizienne où le mycélium s'associe avec les racines d'un arbre. Une autre de ces symbioses est l'association lichénique. les lichens sont donc des organismes composés, résultant d'une symbiose entre au moins un champignon (le mycobionte), représentant 90 % de l'ensemble, et soit une algue verte et/ou une cyanobactérie capable de faire de la photosynthèse (le photobionte).

Coupe de Parmelina pastillifera. La ligne verte correspond à la couche alguale

 

Schéma de la morphologie d'un lichen (https://www.svt.steber.fr/wp-content/uploads/2014/11/?C=M;O=A)

 

Tout récemment, en 2016, on a découvert un troisième larron dans cette association, une levure basidiomycète, champignon unicellulaire, à ne pas confondre avec les levures utilisées en agro-alimentaire. Chaque lichen étudié en 2016 (à quelques exceptions près) est associé à une levure, chacune provenant d’une espèce différente.

On passe donc d’un couple à un ménage à trois!! Cette découverte  montre que les lichens sont structurellement plus complexes qu’on ne le pensait.  Il existe des cas où plusieurs espèces d’algues sont associées à un lichen. Un même lichen pourrait-il combiner plusieurs champignons ? Le lichen interroge sur la définition même d’un organisme.

 

Pour la suite de l’exposé, nous considérerons que le lichen est donc un organisme composite, une association entre un mycobionte et un photobionte. Il existe d’autres exemples d’association d’organismes dans l’histoire de la vie comme les coraux (association entre des algues et des animaux, les polypes). Je recommande très chaudement au lecteur intéressé par les associations biologiques le magnifique ouvrage « Jamais seul » de Marc André Selosse. Un organisme n’est jamais seul dans son environnement et la coopération permet d’aller plus loin. C’est ce que nous apprendrons aussi les lichens dans un autre chapitre.

Mais pourquoi le lichen est classé parmi les champignons et non parmi les algues ?
Tout simplement parce que le champignon est le seul dans cette association à faire de la reproduction sexuée et parce qu'un lichen est associé à une espèce particulière de champignon.

Ramalina farinaceaRamalina farinacea

Ramalina farinacea

Les lichens dans l’histoire des sciences naturelles

 

Au IIIe siècle av. J.-C., Théophraste, au Livre III de son Histoire des plantes, dit que le lichen naît de l’écorce et les compare à des guenilles.

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les naturalistes les classaient soit dans la catégorie des mousses, soit dans celle des algues, et considéraient les lichens du sol souvent comme des excréments de la terre.

On les a ensuite longtemps considérés comme des végétaux.

L’avènement de la microscopie a permit de voir que le lichen est constitué de plusieurs organismes. En effet, en 1867, le botaniste suisse Simon Schwendener considère qu'il a une double nature, sous forme de parasitisme. Il faut attendre Albert Bernhard Frank qui montre en 1877 que cette association est en fait une symbiose.

Force est de constater que la réputation des lichens a longtemps senti le soufre et pourtant sous nos yeux nous avons une histoire d’amour entre un champignon et une algue qui dure depuis des millions d’années, une histoire que l’on verra faite d’eau et de lumière sans laquelle la surface terrestre ne serait pas la même, les colons d’un nouveau monde. Mais ça ce sera dans le prochain chapitre.

Histoires de lichen
Chapitre 2 - Des pionniers résistants

Nous avons vu que le lichen  est un organisme constitué principalement de deux partenaires : un partenaire qui effectue la photosynthèse (une algue dans 90 % des cas ou/et une cyanobactérie) et un champignon. C’est à cette association, surprenante de prime abord, qu’on va s’intéresser maintenant.

La mycorhize de l’air

 

Le mycobionte (c’est-à-dire le champignon) est constitué d'un réseau plus ou moins dense de filaments fongiques appelés hyphes. Les cellules de l’algue, unicellulaire, appelées gonidies, sont localisées sous une couche d'hyphes dans la partie la plus superficielle du lichen : la zone la plus exposée aux rayonnements solaires nécessaires à la photosynthèse. Le champignon permet ainsi déjà de protéger l’algue des rayons ultra violets qui lui seraient néfastes. L’algue, bien protégée, va pouvoir synthétiser la matière organique à partir du dioxyde de carbone (CO2) de l'air et du rayonnement solaire (la photosynthèse, comme chez les plantes). Une partie de cette nourriture servira au champignon.  En contrepartie, le champignon prélève dans le milieu l'eau et les sels minéraux indispensables pour nourrir l’algue. Cet échange devrait vous rappeler la symbiose mycorhizienne qui s’effectue entre le mycélium et les racines des plantes. C’est exactement pareil sauf qu’ici on est dans l’élément aérien.

Schématisation des échanges lichéniques

Les éléments nutritifs n'étant pas puisés dans le substrat, les lichens ne sont donc pas néfastes au développement de l'arbre. J’insiste sur ce point car, contrairement à une idée reçue, la présence de lichen n’est pas préjudiciable à un arbre. Les lichens ne parasitent pas les arbres  sur lesquels ils se développent.
Ils n'empêchent pas l'écorce de jouer son rôle; ils ne pénètrent pas dans les tissus de l'arbre (tel le gui) pour puiser dans les ressources du bois vivant.
Le lichen constitue certes un abri pour les formes hivernantes d' insectes non désirés mais ils accueillent également nombres d'organismes utiles. Ces branches et ces troncs constituent ainsi un véritable garde-manger hivernal pour de nombreux oiseaux insectivores: sittelles, mésanges, rouges-gorges etc.

Punctelia subrudecta

Punctelia subrudecta

Des champions de la résistance

 

Les lichens ont la capacité de résister à de très fortes dessiccations. Certains lichens peuvent vivre avec une teneur en eau de 15 %. Ils sont aussi capables de se réhydrater (capacité de reviviscence)

La résistance hydrique des lichens provient surtout du champignon qui sécrète des polysaccharides autour de l'hyphe, créant ainsi une zone qui piège l'eau sous forme colloïdale. De plus, les lichens accumulent des polyols, qui servent de réserve d'eau. La reprise du métabolisme après une sécheresse est très rapide. Le lichen retrouve ses capacités métaboliques de cinq à trente minutes après une réhydratation.

Physcia aipolia

Physcia aipolia

Les lichens peuvent également survivre à des variations de température importantes : des tests en laboratoire montrent leur résistance à de hautes températures (90 °C) et à l'azote liquide (−196 °C) Les lichens savent attendre patiemment le moment propice à leur développement. Leur succès, ils le doivent à une remarquable adaptation aux grandes variations de sécheresse et d'humidité. Si l'eau vient à manquer, ils cessent leur croissance et entrent en dormance souvent sur de longues périodes.

Certains lichens n'hésitent pas à coloniser des terres polluées par des métaux lourds toxiques. Ils sont capables de résister aux radiations. Ils absorbent et concentrent les polluants métalliques et les éléments radioactifs.

En 2005, deux espèces de lichens ont été envoyées dans l'espace et exposées au vide durant deux semaines. Les résultats montrent que, de retour sur Terre et après réhydratation, les lichens survivent à ces conditions extrêmes (dessiccation, températures très basses, rayons UV intenses et rayonnements ionisants) et qu'ils ne présentent quasiment aucune altération de leur structure par rapport à des lichens témoins restés sur Terre.

Cette résistance fait des lichens des organismes pionniers par excellence.

Xanthoria parietina sur Fraxinus excelsior

Xanthoria parietina sur Fraxinus excelsior

Certains lichens n'hésitent pas à coloniser des terres polluées par des métaux lourds toxiques. Ils sont capables de résister aux radiations. Ils absorbent et concentrent les polluants métalliques et les éléments radioactifs.

En 2005, deux espèces de lichens ont été envoyées dans l'espace et exposées au vide durant deux semaines. Les résultats montrent que, de retour sur Terre et après réhydratation, les lichens survivent à ces conditions extrêmes (dessiccation, températures très basses, rayons UV intenses et rayonnements ionisants) et qu'ils ne présentent quasiment aucune altération de leur structure par rapport à des lichens témoins restés sur Terre.

Cette résistance fait des lichens des organismes pionniers par excellence.

Punctelia subrudecta

Punctelia subrudecta

Ensemble on va plus loin

 

Les lichens résistants aux conditions les plus difficiles ont conquis tous les milieux, à l'exception de la haute mer. Pionniers exceptionnels, ils sont capables de pousser sur le sable, les pierres, le sol nu, sur les coulées de lave sitôt refroidies, là où aucun végétal ne prétend s'aventurer. Ils retiennent la poussière qui est amenée par le vent accumulant des éléments constituants un sol.

S'incrustant dans le substrat et libérant des acides, ils désagrègent la roche et la pulvérisent, contribuant ainsi, avec le temps, à la genèse du sol. Ils ouvrent alors la voie à toute une dynamique de colonisation végétale : les mousses, les fougères puis les plantes supérieures.

Là où pris séparément, l’algue et le champignon auraient survécu difficilement, ils sont partis ensemble à la conquête de milieux très diversifiés et ont ouverts comme des conquérants la voie aux autres végétaux. C’était il y a environ 500 millions d’années.

Punctelia subrudecta

Punctelia subrudecta

Des pionniers qui ont changé la face du monde

 

C’est l’histoire d’une algue et d’un champignon qui se sont alliés pour coloniser la planète il y a environ 500 millions d’années. À cette époque, les terres formaient un supercontinent appelé le Gondwana. Cette terre était vierge de toute végétation, excepté peut être quelques algues. Le sol comme on le connaît n’existait pas encore. C’était de la roche brute. Champignons et algues, en s’associant, ont réussit à s’implanter dans cet environnement. Le champignon, facilitant l’altération des roches, a été le déclencheur de la formation des sols sur lesquels viendront s’implanter plus tard les premiers végétaux organisés, les mousses.

 

Les lichens ont été les conquérants d’un nouveau monde. Ils ont ouvert la voie à la colonisation de la terre ferme. C’est discrètement maintenant, cantonnés sur des roches, des arbres, qu’ils observent le foisonnement de la vie végétale à laquelle ils ont contribué. Témoins et acteurs de l’évolution de la vie, ils nous apprennent que c’est dans la coopération que se surmonte les plus grands défis.

Melanelixia glabratula

Melanelixia glabratula

Chapitre 3 - Une association surprenante

Le lichen est une association  entre un organisme qui fait la photosynthèse et un champignon qui capte l’eau, les sels minéraux, protège l’organisme photosynthétique et lui permet un ancrage sur le support. Cette association, qui n’est pas sans rappeler la symbiose mycorhizienne qui s’effectue au niveau des racines des plantes, a permis aux lichens de conquérir presque tous les biotopes et d’ouvrir la voie aux végétaux supérieurs.

Nous allons traiter de chaque partenaire et entrevoir de façon schématique comment cette association fonctionne.

Histoires de lichen
Le lichen, c’est déjà un champignon, le MYCOBIONTE

Tous les champignons ne sont pas capables de s’associer en lichen. Seul 20 % des champignons supérieurs réalisent cette association, principalement des lichens ascomycètes (dans 90 % des cas et représentant 20 % des ascomycètes connus). Et pour bon nombre de ces champignons, ce sont des partenaires obligatoires qui ne pourraient vivre seuls en dehors de cette association. On se rappelle que les champignons supérieurs sont classés en ascomycète (dont les spores sont contenues dans des asques) et en basidiomycètes (dont les spores sont contenues dans des basides)

Melanelixia glabratula

Melanelixia glabratula

Le lichen, c’est aussi un organisme photosynthétique, le PHOTOBIONTE

Ce photobionte peut être une algue (phycobionte) ou une bactérie (cyanobionte). Parmi les algues, ce sont principalement des algues unicellulaires ou filamenteuses des genres Trebouxia (dans 50 % des lichens) ou Trentepohlia (dans 20 % des lichens). Ces algues (en réalité, 40 espèces capables de s’associer en lichen) renferment des pigments verts, oranges, qui donnent leurs belles couleurs chatoyantes aux lichens.

Une algue terrestre, Trentepohlia aurea
Une algue terrestre, Trentepohlia aurea
Une algue terrestre, Trentepohlia aurea

Une algue terrestre, Trentepohlia aurea

Mais le photobionte peut aussi être une bactérie, en fait une bactérie capable de photosynthèse, ce qui est le cas des cyanobactéries dont le genre Nostoc (dans 20 % des lichens) est le plus représentatif parmi les 15 genres connus. Cyanobactéries et algues peuvent coexister dans les lichens (4% des lichens). Les cyanobactéries sont alors confinés dans des compartiments fongiques nommés céphalodies.

Nostoc sp

Nostoc sp

Melanelixia glabratula

Melanelixia glabratula

Mais le lichen c’est encore d’autres organismes dont le rôle nous échappe

On peut citer des levures, découvertes récemment et également d’autres bactéries formant un film sur le lichen et qui a priori aurait un rôle protecteur.

En conclusion

Un lichen c’est une colonie d’organismes dont on est encore loin d’avoir tout compris à son fonctionnement.

Le mycobionte apporte à son partenaire une protection contre une trop forte exposition aux rayons solaires et contre la dessication, et lui offre eau et sels minéraux qu'il a prélevés dans l’air. Les champignons vont également synthétiser des métabolites secondaires (antibiotiques et acides lichéniques). Ces acides vont intervenir dans la régulation du nombre de cellules d’algue. Toutefois, ils protègent aussi les algues contre les UV, le broutage et contre la dessiccation. Quand le champignon récupère les sucres, il va les transformer en sucre-alcool (ribitol, mannitol…). Ces sucres modifiés permettent le maintien de la turgescence du lichen et le protège d’une dessiccation trop élevée.

Le phycobionte fournit en échange des sucres grâce à la photosynthèse, des vitamines B qu’il élabore comme toute plante verte mais aussi des lipides (synthétisés tout particulièrement par les algues du genre Trentepohlia)

Le cyanobionte, quant à lui, fournit des substances azotées, de l'ammonium, en fixant l'azote présent dans l'air.

Certains auteurs font un parallèle avec l’organisation de l’époque médiévale : le champignon en bon seigneur fournit protection à l’algue paysanne qui en retour le nourrit.

Pour pousser l’analogie, le lichen est une « plante » à lui tout seul en miniature, faisant office à la fois de feuille et de racine, adapté au milieu aérien et aux endroits ingrats.

Que se passerait-il si on sépare les partenaires ? L'algue peut dans certaines conditions, mener une vie autonome dans la nature. Dotée de chlorophylle, elle sait tirer profit de l'énergie solaire et synthétiser sa propre matière. Le champignon ne possède pas ce précieux pigment vert et sa survie serait plus difficile.

L’association lichénique divise encore les spécialistes; les uns la voit mutualiste, à bénéfices réciproques et équilibrés, les autres, la trouve plus proche du parasitisme. Pour ces derniers, le comportement du champignon semble agressif, ayant capturé l'algue qu'il emprisonne dans ses filaments, il la ponctionne au moyen de véritables suçoirs, les haustoriums.

Quoi qu’il en soit, cette coopération, de gré ou de force, a permis à ces organismes de conquérir des milieux inhospitaliers et montre la formidable capacité d’adaptation du vivant aux défis qui se posent à lui. Ensemble on est plus fort et on va plus loin, une leçon à retenir face aux défis qui attendent notre espèce pour les années à venir.

Flavoparmelia caperata

Flavoparmelia caperata

Chapitre 4 - Se structurer

Nous avons vu dans les chapitres précédents que le lichen est une association de plusieurs organismes. Ce n’est pas tout de coopérer mais il faut aussi s’organiser.

Dans ce chapitre, nous allons voir comment ces acteurs s’organisent pour former une structure originale, le lichen.

Vivre sur la terre ferme, ce n’est pas une mince affaire

Le lichen vit sur différents supports comme les troncs d’arbres, les rochers, etc. Ce mode de vie impose déjà plusieurs contraintes physiques qui sont celles de pouvoir s’ancrer fermement sur son support et résister aux intempéries (vent, pluie, rayonnement solaire), mais aussi des contraintes physiologiques qui sont de trouver sa nourriture soit dans le milieu aérien, soit sur son support, se reproduire, etc.

Une algue, c’est très sensible aux rayonnements UV, à la dessication. Il n’est pas courant de trouver des algues en dehors de l’eau. Elle devra donc être protégée. De plus, les lichens ne sont pas des plantes, ils n’ont pas de racines pour s’ancrer dans le sol et y puiser des nutriments C’est à toutes ces problématiques que doivent répondre les lichens.

Histoires de lichenHistoires de lichen
Un lichen, c’est un thalle

Mais qu’est-ce donc qu’un thalle ? On désigne par thalle un corps ne disposant pas d’une organisation, d’organes différentiés. Par exemple, un végétal est organisé en racines, tiges, feuilles. Son corps est donc structuré. Ce n’est pas le cas chez les lichens, du moins visiblement comme on le verra plus tard. Les lichens ont certes une structure mais pour autant on ne peut pas parler d’organes. Les biologistes classent dans les thallophytes ces organismes non structurés comme les algues, les champignons et les lichens. On retiendra donc que le thalle, c’est le corps du lichen.

Flavoparmelia caperataFlavoparmelia caperata

Flavoparmelia caperata

Se structurer pour résister

Certains lichens sont gélatineux, c’est-à-dire qu’algues et filaments du champignons se mélangent de façon homogène. Ceci concerne quelques espèces de lichen qu’on appelle les lichens homomères.

Un lichen gélatineux : Lathagrium auriformeUn lichen gélatineux : Lathagrium auriforme
Un lichen gélatineux : Lathagrium auriformeUn lichen gélatineux : Lathagrium auriforme

Un lichen gélatineux : Lathagrium auriforme

Les autres lichens en majorité vont adopter une organisation qu’on peut schématiser comme un sandwich : une couche d’algue coincée entre deux couches de champignons. On parle de lichens hétéromères pour désigner cette organisation en strates. Formulé autrement, on parle d’un cortex supérieur constitué de filaments de champignons très serrés, en contact avec le milieu extérieur, puis d’une couche gonidiale constituée des algues, puis d’une medulla constituée de filaments de champignons moins serrés et enfin d’un cortex inférieur constituée également de filaments de champignons très serrés, mais cette fois ci en contact avec le support.

Organisation d'un lichen (http://notesdeterrain.over-blog.com/2017/02/lexique-special-lichen.html)

Cette organisation en sandwich répond déjà à la problématique de la protection de l’algue. Littéralement coincé entre les couches de champignons, elle est protégée du milieu extérieur hostile.

Certains lichens, au niveau du cortex inférieur (donc la couche en contact avec le support), présente des excroissances constituées de filaments de champignons, les rhizines (à ne pas confondre avec les racines). Voici nos structures de fixation.

Rhizines sur la face inférieure (Parmelia sulcata)

Rhizines sur la face inférieure (Parmelia sulcata)

Rhizines en écouvillon chez Physconia distorta

Rhizines en écouvillon chez Physconia distorta

Rhizines chez Physcia tenellaRhizines chez Physcia tenella

Rhizines chez Physcia tenella

Haptères (rhizines en forme de crampons)

Haptères (rhizines en forme de crampons)

Différentes formes de lichens

Les lichens peuvent adopter différentes morphologies. Les plus importantes globalement sont :

- les lichens crustacés : ces lichens sont entièrement et fortement incrustés sur leur support qui sont souvent des rochers ;

Un lichen crustacé : Lecanora muralis

Un lichen crustacé : Lecanora muralis

Un lichen crustacé : Pertusaria pertusa

Un lichen crustacé : Pertusaria pertusa

Un lichen crustacé : Caloplaca flavescensUn lichen crustacé : Caloplaca flavescensUn lichen crustacé : Caloplaca flavescens

Un lichen crustacé : Caloplaca flavescens

Pertusaria flavicans

Pertusaria flavicans

- les lichens foliacés : ces lichens ne sont pas soudés entièrement sur leur support, on peut par conséquent les détacher facilement ;

Un lichen foliacé : Parmelia sulcata

Un lichen foliacé : Parmelia sulcata

- les lichens fruticuleux : ces lichens adhèrent au substrat juste par un point d’attache et pendent souvent des branches d’arbres.

Un lichen fruticuleux : Evernia prunastri

Un lichen fruticuleux : Evernia prunastri

Anaptychia ciliaris (Photo Hervé Cochini)

Anaptychia ciliaris (Photo Hervé Cochini)

Pseudevernia furfuracea, Ramalina fastigiata, Usnea intermedia (Photos : Hervé Cochini) et Usnea cornuta
Pseudevernia furfuracea, Ramalina fastigiata, Usnea intermedia (Photos : Hervé Cochini) et Usnea cornutaPseudevernia furfuracea, Ramalina fastigiata, Usnea intermedia (Photos : Hervé Cochini) et Usnea cornuta
Pseudevernia furfuracea, Ramalina fastigiata, Usnea intermedia (Photos : Hervé Cochini) et Usnea cornuta

Pseudevernia furfuracea, Ramalina fastigiata, Usnea intermedia (Photos : Hervé Cochini) et Usnea cornuta

- les lichens composites : ces lichens présentent un thalle primaire plus ou moins foliacé étalé sur le substrat, et sur lequel se développe un thalle secondaire fruticuleux, formé d'éléments (ramifiés ou en forme de trompette, type podétion) se développant perpendiculairement au substrat (genre Cladonia par exemple)

Podétions de CladoniaPodétions de Cladonia

Podétions de Cladonia

Cladonia fimbriata et ses podétions
Cladonia fimbriata et ses podétionsCladonia fimbriata et ses podétions

Cladonia fimbriata et ses podétions

Se structurer pour vivre

On a vu dans un chapitre précédent comment les champignons peuvent synthétiser des acides, les acides lichéniques, qui protègent le thalle des agressions extérieures. Certains lichens peuvent présenter aussi sur leur cortex supérieur des cils qui sont des excroissances de filaments mycéliens, augmentant ainsi la surface d’échange avec le milieu extérieur. Nos intestins font pareil avec les villosités qui tapissent la lumière intestinale pour augmenter la surface d’absorption. Ils se nourrissent à partir de l'atmosphère en captant les minéraux sous forme de solutés dans les eaux de pluie mais en ayant aussi la possibilité, pour les lichens fixés sur des roches, de dissoudre les éléments minéraux rocher en excrétant, par l'intermédiaire du champignon, des acides organiques. Le champignon sécrète également des molécules complexes permettant de piéger l’eau et donc de résister à la sécheresse.


 

Usnea cornutea

Usnea cornutea

En conclusion : le lichen, un écosystème en soi

Ce chapitre nous a permis de voir comment un organisme si simple en apparence a, grâce à la coopération de ses membres, mis en place une stratégie pour survivre dans un environnement hostile. Le lichen est un écosystème en soi, capable de fabriquer sa nourriture par photosynthèse et capter ses nutriments dans l'air. Tandis que les animaux et les végétaux se sont organisés en structures complexes avec des compartiments, des organes, une différentiation des tâches, le lichen nous montre que la différentiation des tâches peut aussi s’effectuer sans structuration complexe, rien que par coopération de ses membres. L’histoire de l’évolution du vivant sur terre nous montre depuis des millions d’années que le vivant parvient à s’adapter à son environnement par des stratégies différentes mais finalement analogues (il suffit de penser aux ailes des chauves souris et celles des oiseaux). Le hasard fait danser l’évolution, la nécessité fait chanter le vivant.

Peltigera canina

Peltigera canina

Chapitre 5 - Vivre

Les lichens sont des associations d’organismes avec des tâches bien définies mais surtout également une organisation pour la majorité en sandwichs avec la couche des algues (couche gonidiale) coincée entre deux couches de champignons (cortex supérieur et inférieur). Leur morphologie est assez variable. Découvrons dans cet épisode d’autres éléments de la vie des lichens.

Histoires de lichen
Combien sont-ils ?

Les lichénologues estiment à 20 000 le nombre d'espèces de lichens présentes dans le monde, dont plus de 2 000 recensés en France ; au niveau densité des espèces, on compte environ plus de 2000 lichens pour 1 homme.

Parmotrema perlatum

Parmotrema perlatum

Un lichen grandit-il ?

Vivre dans des milieux difficiles a un effet sur la croissance. Il n’y a photosynthèse que durant les premières heures d’ensoleillement. Dès que le climat devient trop sec, elle s’arrête. Ce qui explique la lente croissance des lichens, croissance très lente en moyenne entre 0,1 et 10 millimètres par an. Ce chiffre peut varier selon les années humides ou les années sèches et a tendance à baisser avec l’âge du lichen. Le record est détenu par les espèces Ramalina et Usnea qui vivent dans des conditions un peu moins dures et qui peuvent prendre plusieurs centimètres en une année. Mais en moyenne, la croissance annuelle est de :

- 0.5 à 2 mm pour un lichen crustacé

- 0.5 à 4 mm par an pour un lichen foliacé

- 1.5 à 5 mm pour un lichen fruticuleux

Cette vitesse n'est néanmoins pas constante durant la vie du lichen. Faible au départ, elle s'accélère ensuite pour atteindre un plateau.

On connaît la vitesse de croissance de certains lichens et le diamètre de certains thalles est proportionnel à la durée d’occupation du support. Ainsi on peut en déduire la durée d’immobilisation ou d’exposition du substrat. C’est ce qu’on appelle la méthode LICHINOMETRIQUE et une espèce très utilisée est le lichen crustacé Rhizocarpon geographicum pour déterminer l’âge d’exposition d’une roche.

Histoires de lichen
Jusqu’à quel âge vit un lichen ?

Certains lichens alpins pourraient être âgés de 1000 ans et d'autres au Groenland dépasseraient les 4000 ans.

Parmelia sulcata

Parmelia sulcata

Mais pourquoi ils arrivent à s’implanter dans de nouveaux endroits ?

Rappelons nous qu’un lichen ne possède ni racines, ni stomates, ni d’ailleurs aucun organe du tout. Le lichen est donc tributaire de la lumière et de l’atmosphère pour se nourrir. C’est déjà une contrainte d’implantation en moins par rapport à une plante et cette particularité explique qu’ils peuvent s’implanter sur des supports divers et variés. On a vu qu’ils peuvent synthétiser des acides lichens qui dégradent les roches et peuvent former de l’humus. Minéraux solubilisés et humus, c’est le début d’un sol, sol qui permettra à d’autres organismes comme les plantes de s’installer. Le lichen est ainsi le 1er élément d’un réseau trophique qui s’installe.

Histoires de lichen
De l’association à l’émergence de nouvelles propriétés

Ensemble on va plus loin est une phrase qui reviendra souvent dans cette série d’épisodes consacrées à ces organismes méconnus que sont les lichens. Si on considère que le rendement de l’activité photosynthétique de l’algue, dans une association lichénique, est cinq à dix fois inférieure à celui de l’algue seule, que le champignon freine la croissance de l’algue, que le champignon lichénique ne peut vivre sans l’algue, on pourrait penser de prime abord que l’algue est la grande perdante dans cette association et le champignon le vainqueur. Mais la nature n’a cure des vainqueurs et des perdants. L’évolution du vivant nous apprend qu’une espèce est adaptée à un instant donné à son environnement. Si l’environnement vient à changer, ce sont les êtres les plus adaptés qui poursuivront le chemin et ainsi va la vie depuis des milliards d’années. L’association lichénique a permis à des organismes de coloniser ENSEMBLE de nouveaux biotopes.

Caloplaca cirrochroa

Caloplaca cirrochroa

L’association lichénique a donc eu un rôle créateur au niveau de l’écologie en colonisant de nouveaux milieux et en ouvrant la voie à de nouveaux organismes avec les niches écologiques ainsi créées. Assemblant des êtres vivants tellement différents d’un point de vue évolutif, le lichen constitue une innovation sans précédent dans l’évolution du vivant sur terre. Au-delà de la notion d’individu caractérisant les animaux (au sens d’indivisible), la biologie des lichens nous montre que le vivant a plus d’un tour dans son sac d’innovateur et que la biologie animale, que l’homme érige en un modèle de complexité, n’est finalement en somme qu’un exemple parmi d’autres de la diversité du vivant.

Pseudevernia furfuracea

Pseudevernia furfuracea

Chapitre 6 - Perdurer

 Ensemble on va plus loin, un leitmotiv qui a rythmé les précédents épisodes où nous avons vu la façon dont fonctionne un lichen et comment il se structure. Découvrons dans cet épisode comment les lichens ont rythmés l’histoire du vivant sur terre.

Les lichens sont presque partout

Les lichens recouvrent près de 8 % de la surface terrestre de la planète, formant notamment des communautés dominantes dans les écosystèmes polaires. La photosynthèse de certains lichens comme Cladonia alcicornis est toujours effectuée à des températures avoisinant -20 °C.

Beaucoup d'espèces sont pionnières, capables de coloniser des milieux extrêmes. Ils peuvent s'installer sur des roches qu'ils corrodent par des sécrétions d’acides lichéniques, et leurs présence et décomposition permettent l'installation d'un stade secondaire qui est celui des mousses puis d'autres des plantes supérieures. 

Les lichens ont colonisé pratiquement tous les milieux, depuis les rochers maritimes jusqu'au sommet des montagnes, en passant par les déserts arides. Il n'y a guère que la haute mer, les zones fortement polluées et les tissus animaux où ils font défaut.

Xanthoria calcicola et Physcia caesia sur une tuile

Xanthoria calcicola et Physcia caesia sur une tuile

Et depuis longtemps

Les lichens sont présents sur terre depuis au moins 400 millions d’années, une époque où les terres formaient un supercontinent et étaient vierges de toute végétation.

Pour comparaison, les plantes à fleurs ne sont présentes que depuis 120 millions d’années.

L'enregistrement fossile des lichens est rare. Certains microfossiles filamenteux du Protérozoïque précoce du Witwatersrand en Afrique du Sud, datés entre 2,2 et 2,7 milliards d'années, ont été interprétés comme des associations de type lichen mais l’origine biotique de cette découverte est sujette à caution.
Un lichen fossile du Dévonien précoce (environ 400 millions d'années)  a été découvert à Rhynie Chert, près d'Aberdeen, en Écosse. À cette époque, il y avait plusieurs organismes ressemblant à des plantes inhabituelles vivant sur terre, dont les nématophytes en forme de tapis, les spongiophytes et les énormes prototaxites semblables à des rondins, dont l’origine est toujours incertaine. Un fossile plus ancien de type lichen, impliquant des hyphes filamenteux étroitement associés à des cyanobactéries ou algues coccoïdes, a été découvert conservé dans du phosphorite marin de la formation de Doushantuo (entre 551 et 635 millions d'années) à Weng'an en Chine du Sud.

En résumé, on est certain de la présence des lichens il y a 600 millions d’années.

Lecanora chlarotera

Lecanora chlarotera

 Il y a longtemps dans l’eau

La découverte de fossiles de lichens aussi anciens induit que les premiers lichens connus  vivaient certainement dans un écosystème marin peu profond. Des champignons filamenteux et des cyanobactéries ont ainsi pu se  rencontrer et s’associer avant de s’aventurer sur terre ; en effet, la lichénisation apporte toute une série d’avantages considérables autorisant la conquête d’un milieu terrestre alors complètement abiotique. Les algues mais aussi les champignons ont ouverts la voie à la vie végétale sur terre. La symbiose lichénique est une des associations que les champignons peuvent réaliser avec la synthèse mycorhizienne. Dans tous les cas, l’évolution de la vie végétale reste indissociable de celle des champignons.  

Cladonia coniocraea

Cladonia coniocraea

Chapitre 7 - Se multiplier

L’association lichénique nécessite une relation étroite entre les partenaires photosynthétiques et fongiques pour le bon déroulement de son développement et sa nutrition. Nous allons voir dans les deux prochains épisodes comme ces partenaires coopèrent pour se reproduire.

Leur reproduction peut être sexuée ou asexuée.

Une reproduction sexuée à sens unique

Le lichen peut se reproduire de façon sexuée. Cette fonction ne fait intervenir que le champignon, pas l’algue. L’algue, à l’intérieur du thalle lichénique, est dépourvue de reproduction sexuée. En plus de « séquestrer » l’algue, le champignon la « stérilise » également.

Il ne faut pas oublier que l’algue rencontrée dans les lichens peut se développer et se reproduire sexuellement à l’état libre. La capacité de conquérir de nouveaux milieux et d’y survivre a un coût pour l’algue. En revanche, le champignon ne peut pas se reproduire et survivre seul. Il doit être associé à l’algue pour pouvoir se reproduire.

Trois structures visibles sur la face supérieure permettent au lichen la reproduction sexuée :

- l'apothécie (petite coupelle)

Apothécies de Xanthoria parietina, Lecanora sp et Pleurosticta acetabulumApothécies de Xanthoria parietina, Lecanora sp et Pleurosticta acetabulum
Apothécies de Xanthoria parietina, Lecanora sp et Pleurosticta acetabulumApothécies de Xanthoria parietina, Lecanora sp et Pleurosticta acetabulum

Apothécies de Xanthoria parietina, Lecanora sp et Pleurosticta acetabulum

Apothécies de Pleurosticta acétabulum
Apothécies de Pleurosticta acétabulum
Apothécies de Pleurosticta acétabulum

Apothécies de Pleurosticta acétabulum

Apothécies de lichens fruticuleux (Photos Hervé Cochini)
Apothécies de lichens fruticuleux (Photos Hervé Cochini)

Apothécies de lichens fruticuleux (Photos Hervé Cochini)

- la lirelle (apothécie allongée sous forme de fente dans le thalle)

- plus anecdotiquement certaines espèces peuvent produire un sporophore typique avec un pied et chapeau. C'est une caractéristique du genre Lichenomphalia

Histoires de lichen
Lirelles de Graphis strictaLirelles de Graphis stricta

Lirelles de Graphis stricta

- le périthèce (petit dôme présentant un orifice apical).

Ces trois structures produisent les spores du champignon qui seront émises dans l'air. Ces spores facilement transportées par le vent vont constituer sur un autre support de nouveaux des hyphes qui devront capturer et emballer une algue présente dans le milieu de façon à pouvoir donner naissance à un nouveau lichen.

Le lichen, un organisme qui nous interroge sur la notion de symbiose

De nombreux auteurs parlent de symbiose lichénique. Au vu de la situation de l’algue dans le lichen, je ne serais pas aussi catégorique. Il y a certes des bénéfices réciproques à cette association, néanmoins l’algue est dans une prison dorée où elle est exploitée. Le champignon émet des suçoirs qui pénètrent à l’intérieur de l’algue verte. Dans certains lichens, un ménage à 3 peut même se former où un deuxième champignon s’installe pour profiter de l’association déjà en place. Un opportuniste peut même en profiter pour expulser le champignon en place qui finira par mourir.

Des algues peuvent être surexploitées par le champignon et finissent par mourir. Le champignon se nourrira des restes de son partenaire avant de capturer une nouvelle algue.

Alors symbiose, mutualisme avec partage des bénéfices ou plutôt parasitisme ? Le vivant nous montre une fois de plus qu’il se prête difficilement à une catégorisation stricte.

Ramalina fastigiata

Ramalina fastigiata

Il existe entre le champignon et l’algue une sorte d’équilibre qui se maintient tout au long de l’existence du lichen, un équilibre indispensable à la stabilité de ce qu’on pourrait appeler un système. La stabilité est une des caractéristiques des dynamiques du vivant. Ce n'est pas le système vivant qui est stable mais plutôt sa dynamique, c'est-à-dire ses fonctions. C’est ce qu’on appelle l’homéostase. Un système homéostatique est un système qui est stable face à de petites perturbations. C’est exactement une des caractéristiques des lichens, leur résistance et résilience à un environnement austère. Ce n’est pas la seule fois dans l’histoire du vivant que les algues s’unissent ainsi à un autre organisme. Rappelez-vous des coraux qui sont une association entre des algues et des animaux.

En conclusion, les lichens (mais il n’y aurait pas qu’eux) nous montrent qu’il faut être prudent avec les notions de parasitisme, de symbiose, etc. Au contraire, les choses ne sont pas aussi cloisonnées mais reposent sur l’équilibre délicat d’un système. Mais s’associer pour se diversifier est un moteur essentiel dans l’évolution du vivant. Ensemble on est plus fort et on va plus loin.

Dendrographa decolorans

Dendrographa decolorans

Chapitre 8 - Se propager rapidement

Le lichen se reproduit par voie sexuée. En fait uniquement le champignon, l’algue étant cantonnée à demeurer à domicile. Mais c’est sans compter avec la reproduction asexuée.

Une reproduction asexuée à double sens

Le principe de la reproduction asexuée chez les lichens repose sur un principe simple : se fragmenter pour essaimer, comme un bouturage. Ce mode de reproduction ne se fait pas par dissémination de spores mais du complexe lichénique tout entier contenant donc le mycobionte et le photobionte. Elle fait intervenir deux structures particulières, visibles sur le cortex supérieur : les soralies (amas poudreux libérant des sorédies, provenant d’un déchirement du thalle) et des isidies (excroissances du thalle). Sorédies et isidies sont constituées aussi bien par le champignon que l’algue. Ces fragments lichéniques sont transportés par le vent et peuvent, en conditions favorables, coloniser de nouveaux milieux.

Soralies de Hypogymnia farinacea

Soralies de Hypogymnia farinacea

Soralies en forme d'assiette chez Pertusaria albescensSoralies en forme d'assiette chez Pertusaria albescens

Soralies en forme d'assiette chez Pertusaria albescens

Soralies de Physconia distorta

Soralies de Physconia distorta

Soralies (et apothécie) de Parmotrema perlatum

Soralies (et apothécie) de Parmotrema perlatum

Isidies de Xanthoria calcicola

Isidies de Xanthoria calcicola

Un autre type de reproduction asexuée fait aussi intervenir des spores. En effet, le thalle de certains lichens porte de petites pustules noires appelées pycnides dans lesquelles le champignon se multiplie de façon asexuée. Dans ces pycnides, des hyphes portent à leur extrémité des conidiophores produisant des conidies. Les conidies sont dans ce cas des spores diploïdes et non haploïdes comme dans le cas de la reproduction sexuée. Ces spores germeront en hyphes qui, par rencontre de cellules algales, donneront un nouveau thalle lichénique.

Pycnides Pycnides

Pycnides

Des structures variées pour se reproduire, pour vivre

A ce stade faisons un point sur toutes les structures qu’on peut rencontrer sur un thalle.

Des structures pour se fixer :

  • les rhizines

Des structures pour se reproduire :

  • les apothécies : organes mycéliens en forme de coupe
  • les périthèces : organes mycéliens en forme d'outre enfoncés dans le thalle et qui présente la même fonction de reproduction que les apothécies.
  • les sorédies : organes à l'aspect farineux ou granuleux constitués d'algues et de filaments mycéliens qui sont émis par les déchirures du thalle. Leur couleur est généralement différente de celle du thalle.
  • les lirelles : apothécies allongées sous forme de fente dans le thalle
  • les isidies : organes en forme de petits bourgeons constitués d'algues et de filaments mycéliens. Leur couleur est généralement la même que celle du thalle car ils sont recouverts par le cortex.

Cette liste n’est pas exhaustive mais, comme nous le verrons dans un autre chapitre, savoir les reconnaître est indispensable pour identifier un lichen.

Evernia prunastri

Evernia prunastri

Chapitre 9 - L'union fait la force

Le lichen est schématiquement une surprenante association entre un champignon et une algue. On peut séparer ces membres et les cultiver distinctement en laboratoire. L’algue verte, en culture, forme des petites colonies vertes qui ne ressemblent pas à celles trouvées dans le lichen intact, et c’est le même constat pour le champignon.

En revanche, une fois mélangée, ils forment cette association qu’on connaît sous le nom de lichen. C’est sur ce surprenant et déroutant constat qu’on va s’interroger dans cet épisode qui posera davantage de question que ne donnera de réponses.

Ramalina farinacea

Ramalina farinacea

S’unir pour vivre

Il semblerait que c’est le champignon qui possède l’information génétique nécessaire pour former la structure lichénique (excepté les lichens gélatineux où c’est l’algue) mais il ne peut le faire seul. L’algue serait ainsi capable de faire exprimer ces gènes au champignon pour former l’association. Ceci implique l’hypothèse d’une co-évolution où deux partenaires modifient leur génome pour s’associer en un organisme spécifique.

On sait que la mise en place de l’ interaction racines/champignons (mycorhizes) s’accompagne d’une modification de l’expression des gènes des deux partenaires, ainsi que l’importance des protéines de surface pour l’établissement de la mycorhize. Plus d’une centaine de gènes sont ensuite régulés par cette symbiose. De plus, au niveau des mycorhizes, a été découvert que le génome des champignons contient plusieurs milliers de gènes codant de petites protéines sécrétées dans le milieu dont une au moins est capable de pénétrer dans les noyaux des cellules de la racine et interférer avec la machinerie cellulaire de la plante.

Chaque espèce de lichens est caractérisée par un champignon spécifique ne se rencontrant que dans ce lichen, ainsi que par au moins une espèce d’algue d’un genre bien défini. Mais cette même espèce d’algue peut se rencontrer chez différentes espèces de lichens (Tievant, 2001). Fort de ce constat, on peut dire que le champignon a vraiment lié son existence à son partenaire, par un mariage spécifique et irréversible. Le lichen n’est donc plus morphologiquement une algue ou un champignon mais une nouvelle structure se rapprochant davantage des algues maritimes que du champignon.

Peltigera membranacea

Peltigera membranacea

Un contact étroit entre des partenaires

Le champignon ne se contente pas que de séquestrer l’algue. Les filaments du champignon s’appliquent à la surface de l’algue et forment une expansion, l’appressorium, qui pénètre dans la paroi de l’algue. Ces filaments peuvent également faire un passage dans la cellule et former un suçoir, l’haustorium, qui permet au champignon de prélever sa nourriture carbonée.

Le champignon possède également des protéines (des lectines) qui lui permettent d’adhérer à la surface de l’algue, en se fixant sur des composants glucidiques de sa paroi.

1+1=3

De cette association de nouvelles propriétés émergent. Par exemple, il y a fabrication d'acides lichéniques par le champignon que lorsque les deux partenaires sont associées. Ceux-ci sont absents chez le champignon seul et l'algue seule. Ces acides lichéniques protègent les deux partenaires des UV et des herbivores. Grâce donc à cette association, le lichen fabrique des composés qui ne sont pas produits par les partenaires isolés et résiste ainsi à des milieux hostiles. L'association des 2 partenaires surpasse la somme de chacun des partenaires isolés. On ne peut que faire le parallèle avec les plantes endophytées (plantes renfermant un ou plusieurs champignons) qui présentent grâce à ces derniers une meilleure résistance aux agressions extérieures.

Plus de 90 % des plantes dépendent de champignons pour leur survie et les lichens nous montrent que cette association avec les champignons remonte à très longtemps.

Lecidea confluens

Lecidea confluens

Se poser pour réfléchir

Au terme de ce 9ième chapitre et à plus de la moitié du chemin de découverte des lichens, bon nombre de questions restent en suspens. On ne peut qu’être fasciné par cette interdépendance de différents organismes et l’émergence de nouvelles propriétés qui en découlent. On est dans un monde d’interactions, de communications entre les membres de ce système dynamique dont on a vu qu’il s’agit d’un équilibre fragile qui oscille entre la symbiose et le parasitisme. C’est ce qu’on avait appelé l’homéostasie du système.

On ne peut plus considérer comme organisme seul chacun des partenaires pris séparément. On a un véritable écosystème sous nos yeux avec ses interactions et ses dynamiques. Longtemps la biologie a procédé de la démarche mécaniste en étudiant chaque constituant seul pour en déduire les lois générales. Cette approche a eu des succès évidents et à permis de réaliser des découvertes fondamentales essentielles. Mais l’étude du vivant nous montre que les écosystèmes se trouvent à toutes les échelles, jusqu’à l’intérieur de nos organismes même.

Marc André Selosse dans son ouvrage « Jamais seul » utilise cette belle image : « le monde visible n’est-il que l’écume des interactions microbiennes » ?

Un changement de paradigme s’opère en biologie où l’étude d’un organisme ne se résume plus qu’à sa physiologie et sa biochimie mais aussi à l’étude de sa dynamique, de ses interactions. En bref, l’écologie plus que jamais doit devenir une discipline fondamentale dans l’étude du vivant.

Cladonia squamosa

Cladonia squamosa

Chapitre 10 - Se défendre

la surprenante association lichénique permet l’expression de nouvelles fonctionnalités chez ces organismes, leur permettant ainsi par exemple de résister aux agressions de l’environnement. Nous allons voir dans cet épisode comment et pourquoi on peut qualifier les lichens de conquérants de l’extrême.

Un arsenal original pour se défendre

On peut considérer le thalle comme une véritable serre à photobionte en vue d’optimiser son développement, en s’assurant qu’il reçoit de la lumière de manière adéquate à leur survie, en s’assurant qu’il reçoit du dioxyde de carbone en permettant une circulation interne d’air, en permettant l’approvisionnement en eau en capturant celle-ci en surface dès qu’elle est disponible.

D’autres comparent cette structure à celle des feuilles des végétaux avec un épiderme dessus et un tissu interne (parenchyme palissadique) qui permet la circulation d’air et l’accès à la lumière vers les cellules chlorophylliennes ainsi protégées. Autrement dit, les lichens avaient déjà inventé la feuille sous une autre forme bien avant l’apparition des plantes vertes.

L’algue fournit au champignon des substances issues de la photosynthèse pour se nourrir. Le champignon, en retour, outre d’offrir un toit protecteur, est également le chimiste et on sait que ces derniers ne manquent pas d’imagination dans la synthèse de molécules. Ainsi on dénombre plus de 1000 acides lichéniques synthétisés par le champignon. Schématiquement ces molécules sont essentiellement des terpènes, des caroténoïdes et des acides de type shikimique. Les shikimates sont des intermédiaires biochimiques importants dans les plantes et les micro-organismes et sont les précurseurs notamment des tanins, de divers alcaloïdes et de l’acide salicylique, la molécule qui a permis la synthèse de l’aspirine. En Chine, on extrait de l'acide shikimique de l'anis étoilé pour fabriquer des traitements antigrippaux naturels. On en trouve notamment dans le Tamiflu®

Les lichens produisent également de l'acide pulvinique qui permet une défense contre les herbivores invertébrés.

En y regardant de près, et comme les champignons, les lichens savent manier les poisons. Ulla Kaasalainen de l’université de Helsinki a découvert qu’une espèce de lichen sur 8 utilise un groupe de poison particuliers, les microcystines (52 variétés) qui causent des dommages au foie chez les animaux et les hommes. Ces poisons sont fabriqués par les cyanobactéries. Ces poisons peuvent protéger les lichens des brouteurs. En hiver, les lichens constituent une nourriture pour les rennes qui, ce n'est pas surprenant, évitent les lichens contenant ces cyanobactéries.

Les souches de Nostoc dans les lichens sont beaucoup plus diversifiées que les Nostoc solitaires. Les lichens ont ainsi put fournir une plate forme évolutive à ces cyanobactéries pour se diversifier dans de nombreuses nouvelles formes.

Quelques lichens semblent produire une molécule (probablement une sérine protéase) capable d’éliminer le prion. Le prion est une protéine infectieuse responsable d'encéphalopathies infectieuses spongiformes comme chez l'homme la maladie de Kreutzfeld-Jacob ou chez les animaux de la vache folle ou de la tremblante du mouton.  Des extraits organiques de lichen ou même l’incubation d’un lichen dans de l’eau avec un prion peuvent détruire ces prions qui pourtant résistent aux autoclaves. La question de savoir pourquoi ces enzymes de lichens sont capables de cette destruction n’est pas résolue. Des champignons unicellulaires sont connus pour avoir des prions (différents de ceux des mammifères) mais formant des structures similaires. L’application en médecine humaine est pour l'heure peu probable mais une fois de plus, les lichens savent déployer un arsenal surprenant.

 

Histoires de lichen

En laboratoire, les substances lichéniques inhibent la germination des graines, dans certains cas elles peuvent stimuler la germination.

La structure compacte du thalle agirait comme isolant thermique et abaisserait considérablement la température du sol sous le couvert. La diminution de température est un facteur limitant pour le métabolisme racinaire .

De plus, le couvert de lichens, en absorbant une grande quantité d'eau, pourrait aussi agir sur le taux d'humidité du sol . Finalement, par sa capacité d'absorber les nutriments, le lichen pourrait perturber les cycles d'éléments nutritifs en les rendant moins disponibles pour les autres plantes.

C’est donc tout un arsenal chimique que le lichen est capable de fabriquer. Ces molécules s’accumulent dans le cortex ou dans la couche médullaire et agissent comme des antibiotiques qui protègent le lichen des attaques microbiennes ainsi que de l’appétit des herbivores.

Cladonia floerkeanaCladonia floerkeana

Cladonia floerkeana

Un arsenal original pour résister

N’ayant aucune structure de protection (épiderme, cuticule, etc.), livrés aux aléas climatiques, les lichens ont néanmoins apportés des réponses originales à ces contraintes. Les lichens n’ont pas de racines et vivent souvent sur des parois verticales, ce qui ne facilite pas l’absorption et la rétention d’eau.

Néanmoins ils sont capables d’absorber l’eau par toute leur surface, soit directement quand la pluie coule sur eux, soit en fonctionnant comme une éponge avec l’humidité ambiante de l’air. ils peuvent ainsi le matin profiter de la rosée ou de l’humidité ambiante pour s’hydrater. Dès que la chaleur augmente, le lichen se dessèche et rapidement, il va entrer en dormance temporaire et cesser de fonctionner. Ainsi, à une échelle quasi quotidienne (s’il y a un peu d’humidité atmosphérique), les lichens alternent sans cesse entre ces deux états. Ils réussissent ainsi à vivre même dans des milieux abrités de toute précipitation comme les surplombs rocheux

La résistance hydrique des lichens provient surtout du mycobionte qui sécrète des polysaccharides autour de l'hyphe, créant ainsi une zone qui piège l'eau sous forme colloïdale. De plus, les lichens accumulent des polyols, qui servent de réserve d'eau. La reprise du métabolisme après une sécheresse est très rapide. Le lichen retrouve ses capacités métaboliques de cinq à trente minutes après une réhydratation.

Les lichens peuvent également survivre à des variations de température importantes : des tests en laboratoire montrent leur résistance à de hautes températures (90 °C), à l'azote liquide (−196 °C).

Histoires de lichen

Lorsqu’il gèle ou s’assèche, le cytoplasme (le « liquide » intra-cellulaire) des cellules du champignon subit une cavitation avec la formation d’une bulle de gaz. La cavitation correspond à la formation de bulles de vapeur, sans élévation de température dans l'eau mais par une action mécanique.Au moment de la réhydratation, cette bulle disparaît. Le fait qu’ils perdent leur eau rapidement leur évite ainsi de geler. Cependant, plusieurs lichens des milieux polaires tolèrent le froid alors qu’ils sont encore humides ; sur l’un d’eux (genre Umbilicaria), on a constaté que la surface des filaments du champignon favorise la formation de noyaux de glace qui conduit au dessèchement progressif interne des cellules avec le processus de cavitation.

Chez Xanthoria parietina, il existe un pigment de couleur jaune-orange (la pariétine) dont la synthèse permet de protéger l’algue des rayons ultraviolets. Il s'y dépose en cristaux extracellulaires dans leur cortex supérieur. On le retrouve aussi dans les racines de Rumex crispus. La quantité de pariétine dans le cortex varie fortement en fonction de l'éclairement, les thalles situés en pleine lumière dans les falaises contenant en moyenne cinq fois plus de ce composé que ceux vivant dans les sous-bois.

Lichens pris dans le givre (Evernia prunastri et Xanthoria parietina)
Lichens pris dans le givre (Evernia prunastri et Xanthoria parietina)
Lichens pris dans le givre (Evernia prunastri et Xanthoria parietina)
Lichens pris dans le givre (Evernia prunastri et Xanthoria parietina)
Lichens pris dans le givre (Evernia prunastri et Xanthoria parietina)
Lichens pris dans le givre (Evernia prunastri et Xanthoria parietina)
Lichens pris dans le givre (Evernia prunastri et Xanthoria parietina)
Lichens pris dans le givre (Evernia prunastri et Xanthoria parietina)
Lichens pris dans le givre (Evernia prunastri et Xanthoria parietina)
Lichens pris dans le givre (Evernia prunastri et Xanthoria parietina)
Lichens pris dans le givre (Evernia prunastri et Xanthoria parietina)

Lichens pris dans le givre (Evernia prunastri et Xanthoria parietina)

Chez Xanthoria parietina, il existe un pigment de couleur jaune-orange (la pariétine) dont la synthèse permet de protéger l’algue des rayons ultraviolets. Il s'y dépose en cristaux extracellulaires dans leur cortex supérieur. On le retrouve aussi dans les racines de Rumex crispus. La quantité de pariétine dans le cortex varie fortement en fonction de l'éclairement, les thalles situés en pleine lumière dans les falaises contenant en moyenne cinq fois plus de ce composé que ceux vivant dans les sous-bois.

Xanthoria parietina en temps humide (la couleur verte de l'algue ressort bien) et en temps sec (la pariétine donne la coloration jaune)
Xanthoria parietina en temps humide (la couleur verte de l'algue ressort bien) et en temps sec (la pariétine donne la coloration jaune)

Xanthoria parietina en temps humide (la couleur verte de l'algue ressort bien) et en temps sec (la pariétine donne la coloration jaune)

En 2005, deux espèces de lichens ont été envoyées dans l'espace et exposées au vide durant deux semaines. Les résultats montrent que, de retour sur Terre et après réhydratation, les lichens survivent à ces conditions extrêmes (dessiccation, températures très basses, rayons UV intenses et rayonnements ionisants) et qu'ils ne présentent quasiment aucune altération de leur structure par rapport à des lichens témoins restés sur Terre.

Cladonia polydactylaCladonia polydactyla

Cladonia polydactyla

Des conquérants de l’extrême

Les lichens ont la capacité de survivre en milieux extrêmes grâce à une physiologie particulière et à ces métabolites secondaires.

Ils ont surtout la particularité de prospérer là où les plantes ont déclaré forfait : déserts, pierre lisse, laves volcaniques, bitume, etc.

En conclusion

L’association lichénique apporte des propriétés que l’on ne trouve pas chez l’un ou l’autre des partenaires :

  • la reviviscence : capacité de passer rapidement d’un état sec à hydraté et vice versa ;
  • un pouvoir lithogène : leur pouvoir de dégradation des roches leur permet de s’installer en pionner sur des substrats difficiles ;
  • la résistance aux températures extrêmes ;
  • l’originalité des voies métaboliques avec l’élaboration de substances spécifiques, les métabolites secondaires encore appelés acides lichéniques.

Toutes ces propriétés ne manquent pas d’application pour le quotidien de l’homme mais ce sera pour un autre chapitre.

Hypogymnia tubulosaHypogymnia tubulosa

Hypogymnia tubulosa

Chapitre 11 - Des lichens, des plantes et des animaux

les lichens sont des conquérants et que peu de milieux résistent à leur colonisation. Nous allons voir dans cet épisode que leur présence est essentielle pour certains animaux mais aussi pour les plantes.

Les rennes et la toundra

Cladonia rangiferina est une espèce de lichen connue sous le nom de lichen des rennes ou lichen des caribous. Cette espèce forme au sol de grands tapis blanchâtres buissonnants. C’est un lichen répandu dans les régions froides et tempérées des deux hémisphères. Comme il peut résister à des environnements très froids, c’est toutefois dans les régions arctiques qu’il atteint son plus grand développement, marquant profondément la physionomie de la toundra. Il recouvre le sol sur des milliers d'hectares de la région boisée subarctique du Canada. Comme son nom le suggère, il est une source de nourriture importante, la principale source de nourriture pour les rennes (Rangifer tarandus). Les lichens sont également le maillon de base sur lequel repose l’écosystème arctique. Dans la toundra, ils forment un épais tapis qui régule l’humidité et la température au sol et offrent, comme nous l’avons vu, aux rennes européens et aux caribous canadiens jusqu’à 90 % de leur alimentation hivernale.

Caribou

Caribou

Il n’y a pas que les caribous qui raffolent du lichen mais aussi de nombreuses larves d’ insectes comme celles des noctuelles, des papillons de nuit. Plusieurs fois, en observant un prélèvement de lichen sous la loupe binoculaire, j’ai été surpris par une minuscule chenille rampant dans le thalle lichénique. Ces chenilles sont presque indécelables à l’œil nu mais force est de reconnaître qu’un lichen abrite une vie foisonnante. Une des conséquences est que les lichens constituent ainsi un véritable garde-manger hivernal pour de nombreux oiseaux insectivores: sittelles, mésanges, rouges-gorges.

Les lichens offrent aussi le gîte et le couvert à des escargots, des limaces et de nombreux invertébrés. Des grenouilles viennent également s’y camoufler. La biomasse lichénique est une ressource importante pour les arthropodes, tardigrades et rotifères (Gerson et Seaward, 1977 ; Stubbs, 1989) et la biomasse d'invertébré est proportionnelle à la biomasse lichénique au niveau de la canopée (Petterson, 1995) Certains mollusques auraient une préférence pour les thalles ayant accumulé de fortes concentrations en calcium, azote et phosphore. Ces éléments ont aussi un rôle important dans la nutrition des végétaux après la mort du lichen.

Un abri

Un abri

Un met de choix

Un met de choix

Une sauterelle qui se fait lichen

En Amérique Centrale et en Amérique du Sud existe une espèce de lichen complètement blanche. Il permet le camouflage parfait pour un insecte. Le Markia Hystrix ou Lichen Katydid en anglais est un expert en la matière. Cet insecte appartient à l’ordre des orthoptères à l'‘instar des grillons, des sauterelles ou encore des criquets. Le corps de ce dernier, bien différent de celui d’une sauterelle telle que nous l’entendons, s’apparente à un amas de filaments blancs ressemblant comme deux gouttes d’eau à ce lichen.

Des lichens et des oiseaux

Les oiseaux utilisent fréquemment des lichens mélangés avec d’autres débris pour fabriquer leur nid. En contrepartie certains lichens apprécient les substrats azotés fournis par leurs fientes.

Les oiseaux utilisant des fragments de mousse ou de lichen pour construire leur nid utilisent parfois des fils d'araignée pour les assembler : c'est le cas par exemple du Pinson des arbres (Fringilla coelebs) qui tisse son nid avec du crin et du lichen et l installe à la fourche des arbres

fruitiers et de la Mésange à longue queue (Aegithalos caudatus) qui construit dès mars dans les arbustes un nid en forme de bourse avec des mousses et du lichen, garni à l intérieur de plumes fines, mais aussi du plus petit oiseau d'Europe, le roitelet huppé (Regulus regulus)

Mésange à longue queue et pinson des arbres
Mésange à longue queue et pinson des arbres

Mésange à longue queue et pinson des arbres

Des lichens et des plantes

En pourrissant, en dégradant les roches, les débris de lichen forment un sol, assez riche pour que la mousse et d’autres plantes puissent s’installer et grandir.

De nombreuses espèces de lichens vivent sur les arbres, on parle alors de lichen épiphyte. Précisons le clairement : LE LICHEN N’EST PAS UN PARASITE DE L’ARBRE. Il n’empêche pas l'écorce de jouer son rôle et ne pénètre pas dans les tissus de l'arbre comme le gui pour puiser dans les ressources du bois vivant. On peut reprocher au lichen d’abriter des chenilles d’insectes « nuisibles » pour les cultures mais il ne faut pas oublier qu’il peut abriter des larves de précieux auxiliaires du jardin.

En conclusion

Sur les branches et les troncs, ils n’endommagent nullement les arbres. Bien au contraire, ils proposent un habitat richement structuré et de la nourriture à divers êtres vivants de petite taille et préparent le terrain pour l’installation des plantes. Beaucoup d’êtres vivants dépendent ainsi des lichens, d’une petite mousse jusqu’à un mammifère qui s’en nourrit dans le froid de la toundra, en passant par un insecte qui se camoufle et des oiseaux qui construisent leurs nids. Les lichens créent aussi des microhabitats et leurs rôles et fonctions écologiques au sein des écosystèmes naturels sont donc importants et multiples. Partie intégrante des écosystèmes naturels, la protection de leur diversité passe par celle de leurs habitats.

Histoires de lichen
Chapitre 12 - Colosses aux pieds d'argile

Dans ce chapitre, on va découvrir comment les lichens sont des sentinelles importantes de l’environnement et comment ils jouent un rôle essentiel dans le cycle de certains nutriments.

Le lichen et l’azote

Le lichen est une association entre un mycobionte (un champignon qui représente 90 % de la biomasse du lichen) et un photobionte (qui est soit une algue ou une cyanobactérie, voire les deux) qui s’organisent en forme de thalle, structure poussant très lentement, en moyenne de 1 mm par an par division mitotique des cellules alguales et croissance apicale des hyphes fongiques.

Intéressons-nous aux cyanobactéries. Environ 10 % des lichens contiennent des cyanobactéries (réparties en 16 genres) qui sont soit dispersées dans le thalle, soit groupées à sa surface où elles forment une structure nommée céphalodie. Les Nostocales (avec le genre Nostoc) sont les cyanosymbiotes les plus fréquents. Les cyanobactéries, ou cyanophycées, ou encore algues bleues (leur ancien nom), sont des bactéries photosynthétiques, c'est-à-dire qu'elles tirent parti, comme les plantes, de l'énergie solaire pour synthétiser leurs molécules organiques. Pour capter cette lumière, elles utilisent différents pigments : des phycocyanines (de couleur bleu-vert) ou de la chlorophylle. Leur photosynthèse, comme celle des plantes, produit du dioxygène (la molécule O2) Cette production d'oxygène dans les cyanobactéries de l'océan a probablement été à l'origine de Grande Oxydation, ce brutal enrichissement de l'atmosphère en dioxygène il y a 2 milliards d'années. Les cyanobactéries vivent aujourd’hui un peu partout, dans l'océan, les eaux douces mais aussi sur la terre ferme. Elles peuvent vivre en symbiose avec d’autres organismes et on pense d’ailleurs que les chloroplastes des cellules végétales, les organites où s'effectue la photosynthèse, sont les descendants de cyanobactéries symbiontes.

Histoires de lichen

Dans l'eau et dans le sol, elles transforment l'azote de l'air en ammonium et en nitrate, assimilables par les plantes, et constituent de ce fait un engrais. En captant ainsi l’azote de l’air, certains lichens sont aussi des agents de fixation de l’azote et jouent donc un rôle essentiel dans le cycle des nutriments forestiers. Cet azote atmosphérique est donc assimilé et cédé au champignon sous forme d’ammoniaque (grâce à une enzyme de conversion que possèdent les cyanobactéries, la nitrogénase). C’est exactement ce que font certaines familles de plantes comme les fabacées dans des nodules au niveau de leur racine, et grâce aussi à des bactéries. On se rappelle de l’analogie qu’on avait formulée dans les précédents épisodes indiquant qu’un lichen est comme une plante sans organes.

Ainsi les lichens absorbent des quantités phénoménales de dioxyde de carbone et d'azote dans l'atmosphère, exerçant ainsi une influence déterminante et méconnue sur le climat. N’oublions pas que les lichens sont la « végétation » dominante qui recouvre près de 8 % de la surface terrestre de la planète.

Physcia adscendensPhyscia adscendens

Physcia adscendens

Un protecteur contre les métaux lourds

Les lichens, tout comme les champignons, permettent la chélation des métaux lourds comme le plomb et des produits radioactifs comme le césium 137. Les métaux et autres éléments sont libérés dans l'atmosphère par des activités industrielles ou par la mise en circulation de particules du sol. Ils sont alors présents dans l’atmosphère sous différentes formes avant de se déposer sur les thalles des lichens puis d’être incorporés, sous forme élémentaire ou associés à d’autres éléments pour former des molécules ayant plus ou moins d’affinités avec des tissus vivants (plus ou moins "bio-disponibles") Brown et Brown (1991) ont énuméré les modes de fixation dans les tissus fongiques des lichens :

- La structure en réseau de nombreux lichens permet un piégeage des particules les plus grossières dans l'espace intercellulaire. A titre d'exemple, Xanthoria parietina possède 20% d'espace libre.

- Les parois cellulaires ont des récepteurs anioniques leur permettant de fixer les métaux lorsqu’ils sont présents sous forme de cations.

- Une incorporation intracellulaire existe, régulée par des processus physiologiques complexes.

Histoires de lichen
Vivre d'air et d'eau fraîche n'est pas sans danger

Le lichen se nourrit essentiellement à partir de l'atmosphère (minéraux sous forme de solutés dans les eaux de pluie), ce qui lui permet de coloniser des environnements variés. Mais ce qui fait sa force fait aussi sa faiblesse. Il peut absorber certes l’eau et les nutriments par toute la surface de son thalle, mais il ne possède aucun filtre contre la pollution de l’air. Si ces organismes sont si sensibles, c’est à cause de leur grande dépendance biologique à l'atmosphère: absence de cuticule de protection, absence de système racinaire, absence de système d’excrétion. William Nylander (1822 - 1899), botaniste finlandais, a été le premier à faire le lien entre la diversité en lichens d’un lieu et la qualité de l’air après des observations effectuées au jardin du Luxembourg à Paris.

Certains lichens sont ainsi de bons indicateurs de la qualité de l’air et contribuent à la continuité écologique des milieux forestiers. Ces organismes sont maintenant des outils dans l’évaluation de la qualité de l’air.

Une autre approche est la détermination en bioaccumulation lichénique en métaux et polluants organiques (dioxines et hydrocarbures aromatiques polycycliques) Également, les données issues de la bioaccumulation des échantillons d'herbiers comparées aux échantillons actuels permettent de retracer l'évolution de la pollution atmosphérique jusqu’aux plus vieux spécimens, âgés de plusieurs siècles.

Les espèces crustacés, aux échanges faibles et à la croissance plus lente, sont moins affectées par la pollution atmosphérique et résistent mieux que les espèces foliacées ou fruticuleuses.

Histoires de lichen

Différentes méthodes pour évaluer la qualité de l'air

Un premier diagnostic de la qualité de l’air peut être avancé en fonction des types de thalles majoritairement présents sur les troncs d’arbres. C’est la méthode de Gaveriaux (1999). Un environnement moins pollué présentera davantage de thalles fruticuleux puis foliacées.

Il existe aussi une méthode de présence absence d’espèces indicatrices, la méthode de Hawksworth et Rose (1970), ainsi qu’une méthode d’évaluation des associations lichéniques, la méthode de Van Haluwyn et Lerond (1986)

Des indicateurs du changement climatique

Plusieurs études récentes montrent que les lichens épiphytes sont des espèces sentinelles pour suivre l’évolution des températures. Certaines espèces autrefois rares en Europe, comme Flavoparmelia caperata, sont désormais observées plus fréquemment. Ainsi de nombreuses études suivent désormais la lichénofonge pour suivre les tendances climatiques sur une région. Les lichens sont aujourd’hui utilisés pour suivre les effets du changement climatique.

 

Histoires de lichen

Conclusion

Chaque lichen correspond à un milieu qui lui est propre. La présence de telle ou telle espèce permet donc de déduire des niveaux de concentrations de gaz, de lumière ou d’humidité. Certains lichens signalent même une pollution atmosphérique.

C’est ainsi que les spécialistes de la biosurveillance et autres lichénologues parviennent par leurs observations à démontrer la présence excessive d’azote dans l'air ou de métaux dans le sol.

On peut ainsi considérer les lichens comme des sentinelles discrètes qui nous renseignent sur les bouleversements de notre environnement : pollutions acides, azotées, etc. On ne peut que regretter que les lichens soient souvent les oubliés des inventaires naturalistes, malgré leur omniprésence, car leur inventaire nous informe sur la qualité de l’environnement. Les données apportées par de tels organismes s’avèrent donc précieuses, tant pour la recherche scientifique, que pour les collectivités territoriales qui désirent informer les populations. Pierre Gascar écrivit en 1972 « Ainsi en me penchant sur les lichens, en ramassant parfois ces espèces d’écailles dispersées un peu partout, je ne cessais de me demander si j’assistais à la mort du monde ou à sa reviviscence »

Et si notre avenir passait par notre aptitude à comprendre le langage des lichens ?

Amandinea punctata

Amandinea punctata

Chapitre 13 - Vivre au soleil

Les lichens ont besoin d’eau mais aussi de lumière. Vivre au soleil n’est pas sans contraintes mais les lichens ont développés des astuces qu’on va détailler ici.

Au sein du thalle, les algues transmettent au mycélium une partie des molécules organiques qu’elles ont produites par photosynthèse. Le fait d’être associé au mycélium dans le lichen permet également aux algues d’avoir une teneur en eau plus élevée, ce qui leur permet aussi d’avoir une intensité photosynthétique plus élevée. Il faut que le contenu en eau du thalle d’un lichen soit en général supérieur à 20 % pour que l’algue soit capable d’effectuer la photosynthèse. Au-dessus de 60-70%, la photosynthèse commence à décliner. S’il y a trop d’eau dans le thalle, les échanges gazeux ne peuvent plus se faire de manière efficace. Les lichens possèdent également jusqu’à 10 fois moins de chlorophylle que les plantes à poids égal, donc une nécessité d’avoir des exigences en lumière plus importantes.

Si les espèces lichénisées avec des cyanobactéries semblent exiger de l’eau sous forme liquide, celles lichénisées avec des algues vertes dépendent de la disponibilité en eau pulvérisée sous forme d’aérosol (brouillards). Être recouvert d’eau n’est pas ce qu’il y a de plus facile pour réaliser la photosynthèse. Mais les lichens ont trouvé des stratégies pour répondre à toutes ces problématiques.

Evernia prunastriEvernia prunastri

Evernia prunastri

Capter la lumière

Les algues vertes contiennent différents pigments sensibles à la lumière : les chlorophylles A, B et les caroténoïdes. Les chlorophylles sont des pigments qui absorbent principalement les longueurs d’ondes bleus ou rouges. C’est pour cela que les algues sont vertes. Elles améliorent leur capacité de photosynthèse grâce à d’autres pigments qui ne sont pas capables de réaliser la photosynthèse mais captent la lumière à laquelle la chlorophylle n’est pas sensible pour lui en transmettre l'énergie. Pour réaliser la photosynthèse, elles doivent être capables d’absorber les rayons lumineux qui pénètrent dans l’eau, d’où l’utilité de ces pigments accessoires. Certaines substances lichéniques du cortex supérieur, telles que l’atranorine, peuvent absorber des radiations lumineuses n’intervenant pas dans la photosynthèse et les rendent alors utilisables par le photosymbiote. Ainsi le champignon peut modifier la longueur d’onde de la lumière pour la rendre exploitable par l’algue lors de la photosynthèse. Les substances lichéniques régulent aussi l’activité photosynthétique de l’algue mais selon des mécanismes encore mal connus.

Mais les rayons lumineux ne sont pas que bénéfiques. Restez un moment au soleil et vous constaterez les dégâts sur la peau. Les radiations lumineuses, surtout les UV, sont hautement énergétiques et peuvent dégrader la structure de l’ADN dans les noyaux cellulaires. Vivre au soleil nécessite donc se protéger.

Lecanora sp

Lecanora sp

Bronzer en sécurité

Le thalle lichénique synthétise en quelque sorte sa propre crème solaire via plusieurs molécules du métabolisme secondaire. L’étude de ces métabolites a conduit à la révélation de plusieurs activités: filtre solaire, antioxydant et pro pigmentant.

Dans les études les plus récentes, il est démontré que la plupart de ces pigments s’accumulent dans la couche corticale après une forte radiation aux UV (Solhaug et al., 2010).

L’un des métabolites les plus étudiés est l’acide usnique, qui possède plusieurs activités: antimicrobiennes et filtres UV (Molnar et al., 2010) La teneur en acide usnique, le plus répandu des métabolites lichéniques, augmente chez les individus appartenant à une même population au fur et à mesure que la

radiation solaire augmente. Des concentrations importantes de ce métabolite ont été mesurées dans les tissus jeunes, où l’activité photosynthétique est plus élevée.

Les phénols lichéniques peuvent également jouer le rôle d'écrans filtrant une fraction de la lumière qui arrive à la surface du thalle, rayons UV inclus, protégeant ainsi les cellules du photobionte très sensibles à la lumière. Des données expérimentales confirment cet effet d’écran.

D’autres métabolites comme les anthraquinones peuvent aussi agir comme pigments accessoires, permettant en condition de faible luminosité de capter l’énergie solaire ou à l’opposé, de protéger l’organisme contre les effets nocifs induits par les radiations solaires.

Les métabolites secondaires lichéniques peuvent aussi piéger les radicaux libres. Un radical libre est un atome ou une molécule qui a gagné ou perdu un électron. Une exposition prolongée au soleil peut entraîner la formation de radicaux libres dans la cellule. Lorsqu’elle se produit dans l’organisme, cette réaction en chaîne est communément appelée stress oxydant. Elle provoque de nombreux dégâts dans les tissus, les organes, et peut modifier certains gènes. La forte activité antioxydante des lichens a été reliée par de nombreuses études sur la teneur en composés chimiques notamment en polyphénols (Mitrovic et al., 2011) et d’autres comme l’acide lécanorique, l’acide salazinique, l’acide sistique ou l’acide usnique. (Manojlovic et al., 2012).

Dans l’espace, des lichens ont réussi à se développer face à la pleine puissance du soleil pendant 18 mois (Schuster et al., 2012), ce qui montre l’efficacité du système.

Hypogymnia physodes

Hypogymnia physodes

Adopter une stratégie flexible

Pendant la période de sécheresse, certains lichens changent de stratégie de reproduction, multipliant ainsi leurs propres descendants et leurs chances de survie. Certains lichens modifient ainsi leur stratégie reproductive en fonction de la météo comme Lobaria scorbiculata, un lichen associé avec des cyanobactéries. Les cyanobactéries ont besoin d’eau, énormément d’eau sous forme liquide. En période de sécheresse, il privilégie la manière asexuée pour augmenter ses chances de se propager.

Cette façon de faire s’inscrit dans la théorie des histoires de vie, une branche de la biologie évolutive qui tente d’expliquer comment l’évolution forme les différents organismes pour qu’ils atteignent le succès reproducteur via la théorie des stratégies adaptatives. La théorie des stratégies adaptatives repose en effet sur l’hypothèse que l’ensemble des traits démographiques, écologiques, éthologiques et physiologiques d’une population sont co-adaptés et modelés par la sélection naturelle. La stratégie r est une stratégie de développement des populations d’êtres vivants adoptée par des animaux ou des végétaux dont l'habitat est variable ou perturbé, l'approvisionnement en ressources vitales imprévisible et les risques élevés: les espèces misent alors sur la reproduction avec un fort taux de croissance, pour compenser par le nombre. On les appelle des espèces colonisatrices, en expansion ou opportuniste. Elles ont notamment une fécondité élevée et une croissance rapide. La stratégie K est une stratégie de développement des populations d’êtres vivants adoptée par des animaux ou des végétaux dont les conditions de vie sont prévisibles, avec un approvisionnement constant en ressources et des risques faibles: les espèces investissent alors dans une fécondité faible, un cycle de vie long et une croissance lente. On parle d’espèces en équilibre stationnaire. Une des grandes force des lichens et qu’ils peuvent utiliser les deux stratégies.

Mais le mycobionte peut aussi changer de partenaire photobiontique, entraînant des modifications de leur morphologie. Comme les cyanolichens (lichen dont le photobionte est une cyanobactérie) préfèrent l’eau liquide tandis que les chlorolichens (lichen dont le photobionte est une algue) préfèrent l’eau en vapeur), le changement de partenaire permet ainsi de s’adapter à l’environnement.

Enfin, grâce à des voies de biosynthèse originales et modulables, les lichens ont su répondre aux contraintes de leur environnement. On peut constater que des lichens de la même espèce mais localisés dans des environnements différents, ne présenteront pas le même profil chimique. Des expériences in vitro montrent que la synthèse de ces métabolites intervient dans des conditions défavorables. On ne peut que souligner la plasticité des lichens pour s’accommoder des contraintes biologiques qu’ils subissent.

Physconia distortaPhysconia distorta

Physconia distorta

Conclusions

Se protéger du soleil et lutter contre ses effets délétères sur les cellules, des problématiques que les lichens ont résolues et qui nous sont familières, surtout en été sur la plage. Malheureusement il reste des limites à l’utilisation des lichens en cosmétique. Les molécules extraites des lichens peuvent présenter des effets allergisants comme cela a déjà été le cas pour l’extrait d’Evernia prunastri en parfumerie. Elles présentent aussi pour certaines une importante cytotoxicité qui rend impossible leur utilisation en cosmétique. De plus, la croissance des lichens est lente ce qui limite la biomasse disponible pour une industrialisation (Boustie and Grube, 2005). Néanmoins la recherche est en cours.

Nous avons vu dans cet épisode que le champignon exploite pleinement le potentiel photosynthétique de l’algue tout en le contrôlant. Je voudrais faire ici une digression sur un animal surprenant qui est allé encore plus loin dans cette exploitation. Elysia chlorotica, une limace de mer, peut survivre des mois sans se nourrir. Les scientifiques savent désormais comment : le mollusque marin fabrique sa propre nourriture grâce à la photosynthèse. Telle une plante, il incorpore dans ses cellules des chloroplastes et certains gènes d’une algue, une évolution qui confère au mollusque une capacité biochimique exceptionnelle : celle de fabriquer à loisir et au moyen de la photosynthèse, sa propre matière organique, telle une plante, sur la seule base d’énergie lumineuse, de gaz carbonique et d’eau. Et ainsi, de survivre dans un environnement pouvant être dépourvu de sa source habituelle de nourriture. Ce ver est allé dans ce domaine plus loin que les lichens. Plus besoin de séquestrer les algues, il suffit de leur prendre les outils pour faire soi-même sa photosynthèse. Verra-t-on un jour un champignon dans un lichen incorporer un gène d’algue ? L’évolution est à l’œuvre depuis le début de la vie sur terre et le vivant n’a pas fini de nous surprendre.

Physcia caesia

Physcia caesia

Chapitre 14 - M'étudier

Nous avons vu dans les chapitres précédents plusieurs caractéristiques sur ces organismes étonnants que sont les lichens. Toutes ces connaissances sont possibles grâce à des naturalistes, des scientifiques, des chercheurs, des amateurs, des professionnels qui s’y intéressent. Ce sont les lichénologues.

La lichénologie est la science qui étudie les lichens. Certains la considère comme une branche de la mycologie, d’autres comme une discipline à part.

l'Association française de Lichénologie regroupe environ 300 membres, amateurs ou professionnels, qui s'intéressent aux champignons lichénisés (ou lichens) et lichénicoles (qui poussent sur des lichens) pour les reconnaître dans la nature, se familiariser avec leurs propriétés, leur classification, leur écologie, leur rôle, leur protection et leur utilisation. C’est une mine d’information pour qui veut en savoir davantage sur les lichens.

Lecanora carpinea

Lecanora carpinea

Matériel pour étudier un lichen

Pour la détermination des espèces, une petite loupe (x10) et quelques réactifs chimiques (eau de Javel, hydroxyde de potassium) suffisent pour identifier les principaux lichens corticoles foliacés ou fruticuleux présents sur les arbres de nos villes. Mais il faut déjà ouvrir ses yeux et observer son environnement. Les lichens sont presque partout.

Pour compléter, le matériel suivant est recommandé :

- Loupe binoculaire (grossissement x20 minimum, x60 souhaitable); c’est très certainement l’instrument le plus important pour l’observation de fins détails (soralies, isidies, pseudocyphelles, etc.) et la détermination des espèces ;

- Microscope optique avec objectifs x10, x40 et x100 à immersion, et oculaire (x10) micrométrique pour faire les mesures

- 5 réactifs pour les tests colorés :

++ C : l'eau de javel ou hypochlorite de sodium.

++ K : la potasse ou hydroxyde de potassium en solution aqueuse (10 à 35 %).

++ P : la paraphénylènediamine (para 1-4 phénylènediamine), en solution stabilisée qui se conserve une année ou solution alcoolique préparée extemporanément.

++ N : l’acide nitrique (noté N) : solution aqueuse à 50 %.

++ I : le réactif iodé (lugol)

Ces 5 réactifs peuvent être commandés à l’association française de lichenologie, à condition d’en être membre. L’usage de ces réactifs n’est pas sans danger ; la prudence dans leur manipulation s’impose.

Réactifs

Réactifs

Réaction P+ rouge sur un podétion de Cladonia subulata

Réaction P+ rouge sur un podétion de Cladonia subulata

Réactifs K et P sur Phlyctis argena

Réactifs K et P sur Phlyctis argena

Réactifs sur Lecanora carpineaRéactifs sur Lecanora carpinea

Réactifs sur Lecanora carpinea

Comment étudier un lichen ?

Les questions à se poser sont les suivantes :

- quel est le support (substrat) : terricole, saxicole, lignicole, etc. et le biotope ?

- quelle est la forme du thalle : gélatineux, crustacé, foliacé, fruticuleux, etc. ?

- quelles sont les structures présentes sur la face supérieure : soralies, apothécies, isidies, cyphelles, lirelles etc. ?

- quelles sont les structures présentes sur la face inférieure  : rhizines etc. ?

- quelles couleurs obtient-on avec les réactifs ?

Pour certaines espèces comme Lecanora etc, l’usage du microscope est indispensable pour observer la répartition des cristaux dans l’apothécie, spécifique à chaque espèce.

Dans d’autres cas, un relevé précis des acides lichéniques est requis pour déterminer l’espèce. Ce relevé, qui nécessite des appareils de pointe comme des chromatographes, est réservé aux laboratoires de recherche.

Quelle méthodologie adopter ?
Il existe différentes méthodologies pour effectuer ses relevés. On ne va pas les détailler ici mais ce qu’il faut retenir est que l’usage d’un relevé pour obtenir des informations de bioindication obéit à un protocole scientifique rigoureux. La méthode la plus simple pour débuter est la méthode FOMOFA (fort moyen faible) qui s’interesse à la proportion des lichens selon leur morphologie.

 

Histoires de lichen
Devenir sentinelle de la nature
Plusieurs projets de science participative sont régulièrement proposés au grand public pour recenser les lichens dans leur environnement. Nul besoin d’être un lichénologue émérite pour y participer. Ces informations collectées sont précieuses pour évaluer les niveaux de pollution en milieu urbain. C’est une activité très enrichissante, l’occasion de faire des sciences naturelles pratiques en famille.
Des ouvrages pour travailler

Je recommande aux débutants les 3 ouvrages de Chantal van Haluwyn : guide des lichens de France : lichens des arbres, lichens des sols et lichens des roches aux éditions Belin. Les clés de détermination sont très abordables et ne se présentent pas comme une flore classique.

Histoires de lichen
Un site Internet

Le site de l’association française de lichénologie est une mine d’information sur les lichens avec de riches illustrations sur de nombreuses espèces. L'association propose également des stages d'initiation à l'étude des lichens.

Histoires de lichen
Chapitre 15 - Des lichens et des hommes

Nous avons vu dans les chapitres précédents que les lichens sont très utiles pour nombres d’animaux pour se nourrir, se protéger, construire un nid, se camoufler. Nous allons voir dans ce quinzième épisode comment les hommes et les lichens interagissent dans différents domaines.

Des lichens et des médecins

Les lichens sont utilisés depuis des siècles dans les médecines traditionnelles à travers le monde, en particulier dans les régions tempérées et arctiques.

Hippocrate (460-370) prescrivait l’usnée comme puissant médicament utérin, tout comme Dioscoride ((40-90) l’utilisait contre les maladies de la matrice, l’insomnie et les vomissements. La médecine ancestrale, se basant sur la théorie des signatures, utilisait des espèces comme le lichen d'Islande (Cetraria islandica), la pulmonaire (Lobaria pulmonaria), le lichen pyxidé (Cladonia pyxidata) autrefois réputés pour la toux, et le lichen du chien (Peltigera canina) contre la rage.

L'usnée du crâne humain (Usnea plicata et d’autres espèces) récoltée sur le crâne des pendus, se payait à prix d'or pour guérir, croyait-on, l'épilepsie. Paracelse recueillait celle qu’il trouvait sur le crâne des pendus et il en composait des onguents puissants. Au Moyen Âge, les lichens qui poussaient sur les crânes étaient vendus à prix d’or car ils symbolisaient l’essence de vie. On le faisait venir d’Irlande où elle était commune parce qu'on laissait les pendus au bout de la corde jusqu’à ce qu’ils tombent en pièce, ce qui laissait le temps au lichen de se développer. En l’absence de crâne, on pouvait utiliser celui qui pousse sur les os dans les cimetières. Remède macabre, superstition, théorie des signatures, l’usnée du crâne humain a figuré dans des recueils médicaux du Moyen-Age pour traiter les saignements du nez et l’épilepsie.

Le lichen pulmonaire, Lobaria pulmonaria, le « lichen pulmonaire » dont le thalle a la forme de poumons, soignait autrefois les infections respiratoires. Il est utilisé actuellement dans un sirop antitussif. Au point de vue chimique, Lobaria pulmonaria renferme de l’acide stictique proche de l’acide cétrarique qui aurait des propriétés antimicrobiennes.

Lobaria pulmonaria (source Wikipédia)

Rappelons-nous de Cetraria islandica, la mousse d’Islande, qui servait de nourriture aux caribous et aux rennes. Il pousse sur des sols acides et landes à bruyères notamment dans les régions froides, où il est très abondant localement et répandu. Ce lichen est utilisé depuis très longtemps comme remède et comme aliment en Norvège et en Islande. Il a remplacé les céréales dans certaines provinces islandaises. En effet, après l'avoir trempé dans l'eau, il peut être bouilli pour obtenir une gelée qui peut servir de base pour les soupes ou les ragoûts. D’après une légende, ce lichen, autrefois juteux, a été ensorcelé.

Cetraria islandica (Source Wikipédia)


La mousse d’Islande est utilisée pour la fabrication de pâtes pectorales. Il aurait de nombreuses vertus en phytothérapie, anti-inflammatoire, antibactérien et antitumoral. Il permettrait de soigner les maux de gorge, la toux sèche, l'asthme, la bronchite et stimulerait l'appétit. La mousse d’Islande est connu également traditionnellement pour soulager les ulcères d’estomac et du duodénum (Kartnig 1987). Cette activité a été confirmée par l’évaluation in vitro d’un de ses composés : l’acide protolichestérinique.

L’acide usnique contenue dans les usnées semble actif contre plusieurs bactéries dont le colibacille et l’agent de la tuberculose. En 1989, des chercheurs ont trouvé des propriétés anti-tumorales et inhibitrice de la réplication du sida

Un autre lichen était utilisé en chirurgie contre les hémorragies. En Inde, des mélanges de plusieurs lichens sont vendus sous le nom de Chharila comme remède laxatif et carminatif.

Le lichen Evernia prunastri a été utilisé en médecine traditionnelle sous forme de décoction en Espagne pour soigner les affections respiratoires et les maux intestinaux. Il a été employé en Égypte et en Turquie pour fabriquer du pain, de la gelée ou servir d’agent fermentant. Il a aussi été employé pour la teinture de la laine (couleur violette). Les embaumeurs égyptiens exploitaient les propriétés conservatrices de ses acides lichéniques, ainsi que ses capacités à fixer les arômes des épices utilisées pour la momification, et comme rembourrage des momies. Il servait autrefois de bourre pour les pierres à fusil et était utilisé avec des pétales de rose pour fabriquer une poudre servant à blanchir les perruques et à tuer les mites qui s’y logeaient.

Evernia prunastri

Au printemps 1981, une étude ethnobotanique dans la forêt équatorienne, menée par Davis et Yost, a montré qu’un lichen (qu’ils ont collecté) était utilisé autrefois par les chamans de la peuplade Waorani. En  2014, une étude moléculaire de ce lichen a montré qu’il s’agit d’une espèce jamais décrite et contenant à priori de la tryptamine et la psilocybine dans le lichen. La psilocybine et la tryptamine sont des substances hallucinogènes présentes dans certains champignons. Leur usage contre la douleur, dans un cadre thérapeutique et médicalement encadré, offre des résultats intéressants.

Si certaines croyances des anciens font désormais sourire, la recherche médicale moderne (notamment en industrie pharmaceutique et en microbiologie) ne tarit plus d’éloges et nourrit des espoirs thérapeutiques. Les lichens contiennent énormément de métabolites lichéniques, des molécules originales dont on est loin d’avoir découvert toutes les propriétés. Le tissu lichénique synthétise des constituants pour son développement. On peut ainsi l’assimiler à un tissu néoplasique (cancéreux), ce qui en fait également un modèle pour la recherche en cancérologie.




 

Hypogymnia tubulosa

Hypogymnia tubulosa

Des lichens et des cuisiniers

Plusieurs lichens sont utilisés en alimentation. Par exemple, certaines espèces d’Umbilicaria ont été consommés occasionnellement au Canada par les trappeurs sous le nom de tripes des roches. Au Japon, Umbilicaria esculenta est consommé en soupe, en tempura et en salade sous le nom de Iwatake イワタケ (岩bambou des roches). Lecanora esculenta a été utilisé dans les desserts asiatiques et en Iran par les paysans qui en font du pain. Parmotrema perlatum est utilisé en cuisine indienne, sous le nom de Kalpasi, grillé dans un peu d’huile comme épice.

Plat de Umbilicaria esculenta (Source Wikipédia)

Plat de Umbilicaria esculenta (Source Wikipédia)

Certains lichens ont servi à la fabrication des hosties, d’un chocolat en Islande, de biscuits fabriqués par quelques tribus indiennes d’Amérique du Nord.

Ce fut une nourriture de secours en cas de disette. Une hypothèse postule que la manne des Hébreux (citée dans l’Exode), serait un lichen déserticole parfois nommé tripe de roche.

Plus ragoutant, les Inuits mangeaient les lichens en les extrayant de la panse des caribous qu’ils tuaient (probablement pour atténuer l’amertume de ceux-ci en évitant des cuissons répétées). Un restaurant du Québec l’a ajouté à son menu sous le nom de mousse de caribou du Nunavuk, à déguster sur des toasts grillés. Chez les Salish de la Colombie-Britannique, on confectionnait une sorte de pudding composé d'amélanches, de graisse de cerf et de lichen

Connaissez-vous l’erythrol ? Un édulcorant qui donne une sensation de fraîcheur quand on mâche un chewing-gum. Cette molécule a été découverte il y a 140 ans dans les mêmes lichens à orseille (Roccella fucoides, Roccella fuciformis). Il est utilisé dans l’industrie agro-alimentaire comme exhausteur de goût sous le nom générique E968.

En 1870 suite aux travaux du chimiste suédois Stenberg, 17 usines de fabrication d’alcool produisirent plus d’un million de litres par an à partir de lichens du genre Ramalina. Mais la difficulté de s’approvisionner de manière importante et régulière en lichens fit prendre fin cette production. Elle fut remise en activité en 1944 en Russie pour pallier à la pénurie de betterave. Les Russes, durant la seconde guerre mondiale, ont également fabriqués du bioéthanol à partir de lichens pour l’utiliser comme carburant.

Les moines sibériens utilisaient Lobaria pulmonata pour brasser la bière en raison des substances amères qu’il contient. Cet usage n’est guère surprenant quand on sait qu’un lichen renferme énormément de sucres. Par exemple, Cetraria islandica contient 60 % de glucides.

Arthonia radiataArthonia radiata

Arthonia radiata

Mais la majorité des lichens sont pauvres en calories et en nutriments et ne peuvent constituer une source de nourriture comme les légumes, les céréales, les viandes ou les champignons. Ils représentent plus un condiment. Certaine personnes peuvent montrer une allergie à l'acide usnique contenu dans les lichens. Chez l'homme, l'acide usnique et ses sels ont été associés à de graves atteintes du foie. Une hépatotoxicité sévère a été observée chez un certain nombre de patients ayant absorbé quotidiennement de 300 à 1 350 mg d'acide usnique comme complément alimentaire sur une période de quelques semaines

Les lichens sont des coupes faim en temps de disette. Ils ont été consommés en temps de famine comme lors du siège de Leningrad (1941-1944) mais restent très pauvres en terme nutritionnel. John Franklin et son expédition ont put inhiber la sensation de faim en se remplissant le ventre de lichens, comme pour les caribous dans les hivers rudes, mais pas survivre à la faim en soi. Il est vrai que certaines espèces n’ont jamais été jugées comestibles, sauf dans des conditions particulièrement rudes ou pour des régimes alimentaires très pauvres, tel que cela peut-être le cas dans des régions d’Europe du Nord, où elles tenaient lieu de denrées de base. Les premiers explorateurs de l’Amérique du Nord l’avaient surnommée «tripe-de-roche», car ils en mangeaient de grosses quantités par pur désespoir. Les Jésuites et autres explorateurs français connaissaient bien la tripe de roche (Actinogyra spp., Umbilicaria spp.), dont ils avaient appris le mode d'emploi des Inuits, des Hurons, des Naskapi et des Cris de la baie d'Hudson. Pour l'apprêter, on la lavait d'abord, puis on la coupait en petits morceaux avant de l'ajouter aux soupes et aux bouillons avec du poisson, des œufs de poisson ou du sang de caribou. Beaucoup d’entre eux sont peu nourrissants, voire indigestibles ou vaguement toxiques. Or, ce n’est pas le cas pour les cervidés américains, les rennes et les caribous.

Histoires de lichen

Les lichens, comme les champignons, sont également des éponges à polluants.

Néanmoins la plupart des espèces de lichens sont considérées comme « comestibles » à condition de les faire macérer et bouillir pour en retirer les composés acides et amers. En plus d'être amers, les lichens sont généralement difficiles à digérer, car ils renferment des polysaccharides complexes que l'organisme a parfois du mal à dégrader. La cuisson prolongée permettait d'atténuer ce problème. Dans certains cas, les lichens étaient mis à cuire pendant vingt-quatre heures dans une fosse d'où ils ressortaient sans amertumes et sans polysaccharides, dégradés ainsi en sucres simples. Enfin, certains lichens peuvent être toxiques à cause de la présence d'acide vulpinique ou usnéique dans leurs tissus. Encore une fois, les Amérindiens avaient mis au point une technique particulière pour atténuer ce problème : ils les faisaient tremper dans l'eau courante (celle d'un ruisseau ou d'une rivière, par exemple) puis les battaient contre les rochers ou au pilon pour les tremper de nouveau avant de les cuire.

Quelques espèces (Cetraria pinastri, Letharia vulpina, Xanthoparmelia chlorochroa dont le simple contact peut entraîner des réactions allergiques) sont très toxiques car elles contiennent de l'acide vulpinique, toxine qui agit en stoppant l'activité respiratoire. L’ébullition ne permet d’extraire qu’une partie de cette toxine Ils ont malheureusement été utilisés à des fins meurtrières comme pesticide, dans la pêche aux poissons, et surtout dans la chasse aux renards et aux loups, notamment en Scandinavie. Un colorant extrait d’un lichen, l’orcéine, a été interdit dans l’Union européenne pour son potentiel allergique et un lichen, Xanthoparmelia chlorochroa, est responsable de la mort de 500 élans en hiver 2004 dans le Wyoming. Pour les rennes de la toundra dont on a parlé dans un chapitre précédent, il semblerait que leur tolérance soit due à des bactéries présentes dans leur rumen et capables de détoxifier les lichens (Sundset et Al., 2008). Ce n'est pas pour rien que les Inuits les consommaient pré-digérés de la panse des caribous.

Letharia vulpina (source Wikipédia)

Letharia vulpina (source Wikipédia)

Ulla Kaasalainen de l'Université d'Helsinki a découvert qu'une espèce de lichens sur huit utilise des microcystines, un groupe de poisons qui causent des dommages au foie chez les humains et d'autres animaux. Ces produits chimiques sont fabriqués par les cyanobactéries de l’association. Son équipe a depuis échantillonné 803 espèces de lichens du monde entier et a trouvé le gène qui fabrique des microcystines dans 98 d'entre eux, et des traces de microcystines dans 42. Certaines espèces avaient des quantités négligeables, mais d'autres avaient jusqu'à 0,2 milligrammes par gramme de lichen. À titre de comparaison, l'Organisation mondiale de la santé recommande que les niveaux de microcystines dans l'eau potable ne dépassent pas 0,001 milligrammes par litre.Pour la curiosité, les rennes évitent de consommer les lichens contenant des cyanobactéries. On se doute pourquoi.

En conclusion, les lichens toxiques sont peut-être plus répandus qu’il n’y paraît. Considérant ce point, que les lichens également ne sont pas vraiment nutritifs et que pour certains la préparation est souvent fastidieuse et complexe pour pouvoir le consommer, on s’abstiendra à titre personnel de récolter des lichens pour les consommer.

Parmelina pastillifera
Parmelina pastillifera

Parmelina pastillifera

Des lichens et des agriculteurs

Durant la préhistoire, les mèches utilisées pour l'allumage des lampes à graisse étaient réalisées à partir de champignons (amadouvier) mais aussi des lichens fruticuleux séchés prélevés le plus souvent sur des branches d’arbres ou d’arbustes (tel qu’Evernia prunastri) ou au sol.

Cetraria islandica a été utilisé dans les pays nordiques pour la nourriture des porcs, des chevaux et des vaches. En Suisse, Evernia divaricata a été longtemps utilisé pour nourrir les chèvres en mauvaise saison.

Pour la curiosité, il est fait mention du lichen pulmonaire pour la fabrication de semelles à soulier.

Graphis strictaGraphis stricta

Graphis stricta

Des lichens et des parfumeurs

Certains lichens sont utilisés pour produire des huiles essentielles de parfum comme Evernia prunastri et Pseudevernia furfuracea pour les parfums à odeur de Chypre et cuir de Russie et ainsi apporter des notes boisées aux parfums. Près de 9 000 t de ces deux espèces sont récoltées annuellement dans la région de Grasse, des Balkans et au Maroc.

Evernia prunastri

Evernia prunastri

Des lichens et des teinturiers

On tire des lichens des colorants de nuances assez riches. Déjà les romains teignaient leurs toges tels que Parmelia et Evernia. De belles teintes de bleu, pourpre (rouge violacé) et violet sont données par la parelle d'Auvergne, Ochrolechia parella, l'orseille des Canaries, Roccella tinctoria qui, extrait en poudre, produit le papier de tournesol. D'autres espèces sont utilisées traditionnellement, notamment en Scandinavie : Rocella phycopsis, Rocella fuciformis, Ochrolechia tartarea, Pertusaria dealbescens, Parmelia glabratula subsp. fuliginosa et Lasallia pustulata. Quelques entreprises artisanales les utilisent encore dans des pays scandinaves car ils assurent une protection des vêtements contre les mites par l’amertume qu’ils confèrent au tissu. Les Xanthoria pilés et mélangés à de l'urine servaient à teindre la laine en rose, notamment le kilt écossais. La teinture traditionnelle de ces kilts s’obtient encore aujourd’hui avec des lichens et une décoction dans l'eau bouillante.

Lecanora chloratera

Lecanora chloratera

Conclusion

Objets de légendes, de fantasmes, énigme pour les naturalistes autrefois, les lichens n’ont pas manqué d’être utilisés par l’homme dans son quotidien. Même si aujourd’hui beaucoup de ces utilisations sont tombées en désuétude, les lichens n’en suscitent pas moins l’intérêt de la communauté scientifique. Véritable usine de synthèse chimique, les molécules lichéniques n’ont certainement pas dit leur dernier mot pour des applications médicales. Le nombre de métabolites isolés des lichens ne cessent de croître et une très grande majorité est spécifique aux lichens (près de 90%). Bon nombre de ces métabolites sont synthétisés par le partenaire fongique et d’autres ne parviennent pas à être synthétisés par le seul champignon, ce qui suppose des coopérations métaboliques. Vu leurs capacités de résistances, les lichens constituent également des modèles de choix pour la recherche en astrobiologie. Il ne faut pas négliger non plus ce qu’on a développé dans un précédent épisode, à savoir les informations capitales que nous livrent les lichens sur la qualité de notre environnement. Véritable témoin silencieux des modifications de l’écosystème et du climat, l’homme a encore beaucoup à apprendre de l’observation et de l’étude des lichens. Aucun naturaliste ne devrait les négliger ou les omettre quand il étudie la diversité biologique et le grand public doit s’approprier la connaissance de ces organismes dont la présence reste le témoin clé d’un environnement sain.

Pseudevernia furfuracea

Pseudevernia furfuracea

Chapitre 16 - Me préserver

Nous arrivons au bout de notre voyage. C’est l’heure de faire une synthèse mais aussi d’entrevoir l’avenir.

Il y a bien longtemps

C’était il y a 680 millions d’années, au pré cambrien. Des champignons et des algues tentent tant bien que mal à survivre sur les roches qui bordent les océans. Des organismes que tout oppose mais qui pourtant vont poursuivre ensemble la grande histoire du vivant.

Une étude de Keller en 2005 a montré que l’installation de la vie sur un support vierge, dans un cours d’eau, s’effectue en 4 mois et que les premiers organismes sont des bactéries, des champignons aquatiques et des algues. Les premières colonisations lichéniques interviennent entre 3 et 5 ans. L’organisation lichénique ne s’est pas faite en un jour et l’évolution vers ces organismes a prendre du temps. Les lichens sont les pionniers de la formation des sols en libérant les minéraux de la roche-mère. ils produisent et accumulent lentement des matières organiques. ajoutés aux produits de l’érosion. Cette accumulation progressive favorise le développement des lichens eux-mêmes, et l’installation d’autres êtres vivants : bactéries, champignons, etc. En présence d’eau, et en utilisant les matières organiques accumulées, les éléments minéraux de la roche-mère, la lumière du soleil, les gaz atmosphériques, tous ces êtres vivants interagissent pour conduire à la lente et complexe formation d’un sol. Dans les pays semi-arides, les lichens forment une couche sur le sol qui le protège de l’érosion et participe aussi à la rétention d’eau. Les lichens, et plus généralement les champignons, ont permis qu’il y a des millions d’années, le phosphore du substrat soit mis à disposition des plantes pour effectuer leur photosynthèse et donc enrichir l’atmosphère en oxygène. N’est-ce pas une cruelle ironie du destin que ces organismes, qui ont rendu indirectement notre atmosphère respirable, payent maintenant le prix de son empoisonnement ?

L'aube d'un nouveau chapitre du vivant

L'aube d'un nouveau chapitre du vivant

Mais qui sommes nous vraiment ?

Définir un lichen reste complexe. La définition la plus pratique est celle qui consiste à reconnaître un lichen comme une entité morphologique et physiologique autonome, composée d'au moins un champignon et d'au moins un partenaire photosynthétique. Si cette dualité est maintenant bien connue, on connaît des cas où un champignon est associé à deux photobiontes, mais aussi où un champignon croît sur d'autres lichens dont il détourne le photobionte pour se lichéniser avec lui, aux dépens du lichen initial. Cette situation d’un champignon colonisateur du thalle d'un lichen présente des variations, l’envahisseur pouvant être toléré par le lichen colonisé sans dommage mais aussi par une destruction du lichen colonisé. Mais un lichen peut aussi s’associer avec une algue à laquelle il n’est pas habituellement associé.

Une cohorte de champignons épiphytiques (qui se trouvent sur le thalle) et endophytiques (qui se trouvent dans le thalle) accompagne également le lichen. 1500 espèces sont actuellement décrites.

Mais c’est aussi de nombreuses bactéries, aussi bien sur le thalle que dans le thalle, à tel point qu’on parle de BACTERIOBIONTE. Le rôle de ces bactéries nous échappe encore mais des études indiquent qu’elles interviennent dans la défense du lichen via la synthèse d’antibiotiques, l’approvisionnement en azote, soufre et phosphore. Il se pourrait même que les bactéries jouent un rôle dans la structuration du thalle (Grube et Al., 2009) et favoriser le processus de photosynthèse en approvisionnant l’algue en vitamines (Grube et Al., 2015)

Vue moderne de l'organisation lichénique, incorporant le bactériobionte au mycobionte et photobionte (Grube et Al., 2015)

Enfin, on a découvert récemment que les lichens contiennent des champignons basidiomycètes unicellulaires de type levure. Ces levures sont noyées dans le cortex et leur abondance est corrélée à des variations phénotypiques inexpliquées auparavant. Leur fonction est inconnue.

En bref, le lichen, c’est beaucoup de monde en même temps. J’oserais dire une société avec un mode de vie ou une communauté écologique, avec ses règles, ses systèmes de régulation. Je définirai donc un lichen comme une communauté écologique en homéostasie, un système où toutes les parties sont interconnectées et subordonnées au maintien de la dynamique de l’unité du tout, face aux variations de l’environnement interne et externe.

Le lichen n’est donc pas seulement une association entre une algue et un champignon, il est constitué par cette association et ne lui préexiste pas. La définition d'un lichen est donc d'abord pratique et n'a guère de sens en termes de biologie de l'évolution. En effet, Le processus de lichénisation s’est produit à plusieurs reprises au cours de l’évolution des champignons (Gargas et al., 1995) et le mode de vie lichénisé s’est perdu à plusieurs reprises de telle sorte que plusieurs champignons non lichénisés dérivent d’ancêtres lichénisants (Lutzoni et al., 2001). On rejoint la définition indiquée dans le paragraphe précédent, une société, une communauté. Les lichens nous invitent à voir au-delà de la définition classique d’un organisme. Un océan d’interaction dirait Marc André Selosse dont l’ouvrage « Jamais seul » nous aura beaucoup accompagné dans cette série et dont je vous recommande fortement la lecture.

Un ouvrage indispensable

Un ouvrage indispensable

Le choix du champignon

L’association lichénique ne peut prendre naissance que si le champignon recherche l’algue, c’est-à-dire se transporte là où l’algue vit déjà. Le champignon est donc l’attaquant et parmi les algues aériennes, il choisit précisément quelle algue il séquestre. Comment champignons et algues se reconnaissent et interagissent pour former des relations durables demeure une énigme. La communication extracellulaire sans contact cellulaire peut se produire entre les symbiotes de lichen. De nombreux gènes présentant une légère variation d'expression semblent diriger le développement de la symbiose lichénique. Le champignon marque ainsi sa spécificité. Des données récentes suggèrent que la lichénisation et le maintien de la symbiose des lichens pendant des millions d'années d'évolution pourrait avoir facilité des transferts entre les symbiotes d'introns, des portions d’ADN non codantes. Sur quels critères le champignon choisit son algue ? Nous proposerons une hypothèse ultérieurement.

Phlyctis argenaPhlyctis argena

Phlyctis argena

Un mariage pour le meilleur et le pire

Cette union ne semble être qu’apparence. À chaque instant des cellules d’algues sont attaquées et détruites. L’équilibre harmonieux ne semble qu’illusoire. Les algues, dans le thalle, subissent des modifications plus ou moins importantes qui influent sur la reproduction mais aussi la morphologie. Quand deux êtres vivent en commun il n’est pas rare de voir l’un d’eux présenter dans sa forme et dans sa structure des modifications qu’on désigne sous le nom de biomorphoses. Les végétaux atteints par des champignons parasites, les galles causées par les insectes en sont des exemples bien connus. On peut sans hésiter considérer le lichen comme une biomorphose née des interactions de ses constituants. Le champignon est le maître d’œuvre mais il existe toujours des exceptions comme dans le genre Coenogonium où c’est l’algue qui définit la morphologie.

Pseudevernia furfuracea

Pseudevernia furfuracea

Un équilibre en apparence

Le lichen peut être aussi bien une symbiose mutualiste (les deux ne peuvent vivre isolément) qu’une symbiose antagoniste (un champignon maître des algues esclaves exploitées ou un champignon qui tue les algues par asphyxie, ou une algue parasite qui se nourrit des matières organiques du substrat grâce au champignon). Le biologiste James Crombie décrit le champignon comme « un parasite qui est habitué à vivre du travail des autres ; ses esclaves sont les algues vertes qu’il a recherchées et auxquelles il s’est accroché pour les forcer à se mettre à son service » Quel que soit le cas, le thalle est le lieu d’une lutte sans trêve et un état d’équilibre doit s’installer dans lequel aucun des organismes ne doit supplanter l’autre. Les acides lichéniques et autres substances spécifiques fabriquées par le thalle jouent peut être un rôle dans le maintien de cet équilibre.Se comportant à la fois comme un animal et un végétal, le lichen est un écosystème contenant une chaîne alimentaire. L’algue élabore des vitamines qui contrôlent la croissance du champignon, ce dernier élabore des substances qui contrôlent la croissance de l’algue. La survie du lichen est ainsi fondée sur cet état d’équilibre entre les deux partenaires.

Caloplaca flavescens sur un mur médiéval

Caloplaca flavescens sur un mur médiéval

Une association pour (sur)vivre

Cette association n’est pas intrinsèquement stable mais les conditions difficiles favorisent l’entraide. Peut-on parler de marché biologique en comparaison avec les marchés économiques humains ? Le champignon, qui a le choix entre plusieurs symbiotes, s’orientera davantage vers celui qui est coopératif et le en lui apportant des quantités de minéraux importants et vice versa. C’est le principe du troc. En tout cas le champignon construit une maison structurée pour l’algue, avec un toit pour le protéger du soleil, de l’eau stockée au rez-de-chaussée et des fondations fixatrices.

Marc André Selosse indique que le mutualisme est souvent une conséquence du milieu lui-même. Des conditions difficiles imposent la coopération. Algues et champignons sont en compétition dans ces milieux difficiles, pas tant pour les ressources mais pour leur développement et maintien. Manger et se protéger rassemblent comme il le dit si justement. Le milieu hostile reste un stabilisateur de l’interaction.

Conquérir et survivre

Conquérir et survivre

Vers la théorie symbiotique de l'évolution

À tous les niveaux d'organisation du vivant, seules survivent, et se survivent, les associations à avantages et inconvénients réciproques et partagés. La symbiose émerge du fait que les partenaires ne s’ajoutent pas mais se combinent et s’interpénètrent, se métamorphosent simultanément et indissociablement et une nouvelle entité, unique et différente. Pour les algues et les champignons, malgré les inconvénients, les avantages ont été considérables : coloniser des terres vierges de toute vie et être peu dépendants des fluctuations du milieu extérieur.

La symbiose n’est donc pas une association à bénéfices réciproques mais une association à avantages et inconvénients partagés. Chez les lichens, ce n’est pas un mariage d’amour et d’eau fraîche mais plutôt une association où chaque partenaire ménage l’autre et dans laquelle on peut trouver des manifestations d’agressivité.

Lecidella stigmateaLecidella stigmatea
Lecidella stigmateaLecidella stigmatea

Lecidella stigmatea

Une symbiose qui a émergé il y a très longtemps dans un environnement hostile pour augmenter la capacité de survie, l’intégration dans un milieu par une métamorphose de l’organisation de chaque acteur.

Selon la biologiste Lynn Margulis, la symbiose est un facteur clé de l'évolution des espèces, un autre mécanisme de l'évolution qui n'est pas basée sur des mutations ponctuelles du génome mais sur des sauts macroévolutifs. Elle considère que la théorie darwinienne, axée sur la compétition, est incomplète, et affirme qu'au contraire, l'évolution est orientée par des phénomènes de coopération, d’interaction et de dépendance mutuelle entre organismes vivants. Cette nouvelle vision de la théorie de l'évolution, que ne considère pas le néodarwinisme, mérite d'être approfondie pour mieux appréhender toutes les stratégies du vivant.

Melanohalea exasperataMelanohalea exasperata

Melanohalea exasperata

Un succès évolutif

Les lichens ont connu un vif succès à la surface de la terre, puisque pas moins de 13 500 espèces de lichens sont recensés aujourd'hui.

L'état lichénisé a été acquis de façon polyphylétique par les algues. Du côté des champignons, cet état a été acquis au moins cinq fois de façon indépendante.

Les lichens sont d’incroyables organismes dont l’état hydrique varie passivement avec les conditions environnementales, un environnement défavorable et pauvre en nutriments. Néanmoins, les lichens ont une grande longévité qui peut atteindre 300 ans en climat tempéré et 3000 ans dans les climats arctiques. Leur croissance est lente car 40 % du carbone est utilisé pour la fabrication des composés secondaires. Succès évolutif en conditions hostiles, le lichen est peut être une impasse évolutive sur le plan morphologique, cette morphologie ne permettant pas la complexification.

Physconia detersa

Physconia detersa

Des organismes fragiles

Malgré une résilience face aux conditions environnementales, le lichen ne choisit pas ses aliments : il assimile sans distinction et sans refus possible tout ce qui arrive à son contact : air, eau, poussières, substances et gaz dissous. Ce qui fait sa force fait aussi sa faiblesse car il ne possède aucun filtre contre la pollution de l’air. C’est pour cela qu’il est maintenant un outil reconnu dans l’évaluation de la qualité de l’air.

Caloplace flavescens sur une vieille tombe

Caloplace flavescens sur une vieille tombe

Les champignons, inventeurs de l'agriculture ?

Des études de phylogénie moléculaire ont montré qu’il y a très peu de génotypes d’algues partagés parmi les lichens, ce qui implique que la sélectivité n’est pas égale entre les champignons et les algues. Les champignons choisissent des génotypes d’algues très spécifiques, tandis que les algues acceptent de nombreux partenaires fongiques. Les champignons sélectionnent donc les algues libres. Cela appuie le modèle de la symbiose des lichens comme une «domestication» des algues photosynthétiques par les champignons (Ahmadjain, 1993), analogue à l'agriculture humaine dans la sélection des cultures. Il a été constaté que les algues intégrées dans un lichen sont moins sensibles à la toxicité des acides lichéniques que des algues vivant librement, ce qui peut suggérer une coévolution. Comme les agriculteurs, les champignons cultiveraient quelques souches exceptionnelles d’algues, qui sont dispersées et utilisées par un grand nombre de partenaires fongiques.

Pour les cyanobactéries, c’est un peu différent. Les lichens ont pu fournir aux cyanobactéries une plate-forme évolutive pour se diversifier dans de nombreuses nouvelles formes. Les souches de cyanobactéries dans les lichens sont beaucoup plus diverses que celles qui poussent seules.

Les champignons seraient donc peut être les premiers organismes à avoir pratiqué l’agriculture. On pourrait peut-être compléter la définition d’un lichen par une communauté écologique d’élevage d’algue.

Cladonia subulataCladonia subulata

Cladonia subulata

La nature est chimère

Les lichens, et les symbioses en général, nous montrent qu’il faut sortir de la définition de Spencer du darwinisme « la survie du plus apte » où le vivant n’est que compétition, conflit, lutte individuelle pour survivre. Nous sommes déjà nous-mêmes des chimères génomiques, dont probablement la moitié de notre génome provient d’autres organismes, sans compter que 90 % des cellules de notre corps sont bactériennes et fongiques. Pour la biologiste Donna Haraway, nous devenons ce que nous sommes à travers nos relations avec nos espèces compagnes. Nous ne sommes pas autonomes et notre existence dépend de notre capacité à vivre ensemble.

Définir l’évolution par une progression linéaire du plus simple au plus complexe est faux lorsqu’on est en présence d’organismes constituées de communautés d’espèces vivant ensemble comme les lichens. La communication et la coopération sont également des stratégies efficaces de l'évolution. De plus en plus de chercheurs indiquent qu'il faut concevoir le vivant non pas comme un isolement d'égoïstes mais comme un système aux composants étroitement liés. Goethe disait "Aucun n'être vivant n'est unique, il est toujours nombreux"

Hypogymnia physodes

Hypogymnia physodes

Préserver les lichens

Les lichens sont menacés. La pollution atmosphérique, les monocultures, les coupes rases, l'introduction d'essences étrangères, l'élimination rapide du vieux bois et du bois mort, l'intensification des pratiques agricoles, la disparition des zones sèches et humides, le développement de milieux cultivés monotones, sans haies, sans arbres, ni murs, l’urbanisation croissante ont pour conséquence la disparition d'habitats essentiels aux lichens et contribuent à leur déclin. L’usage de pesticides est aussi un facteur de recul des lichens. En Suisse, 37% des espèces sont menacées et 9% sont considérées comme disparues.

Les lichens sont également menacées par le réchauffement climatique d'après une étude publiée dans Nature Climate Change. D’ici à 2070, leur aire de répartition pourrait se comprimer de près de moitié, ce qui aurait d’importantes retombées environnementales et sanitaires.

Parmi les premiers organismes à avoir colonisé le milieu terrestre, ces organismes photosynthétiques demeurent peu connus, bien qu’ils jouent un rôle biologique crucial, dans les cycles du carbone et de l’azote, pour la fixation des sols et pour le maintien de la biodiversité, végétale ou animale. Les bouleversements en cours pourraient réduire leur habitat de 25% à 40% d’ici à 2070.

D’après les chercheurs, cette raréfaction pourrait avoir de nombreuses conséquences. En particulier sur le cycle de l’azote, dont l’équipe estime que ces organismes contiendraient 40% à 85% de l’azote fixé de manière biologique.

Par ailleurs, la disparition des lichens accroîtrait la désertification des zones arides, avec l'émission d'une plus forte production de poussières dans l’air. Ces particules jouant souvent le rôle de condensateurs de l’eau atmosphérique, la hausse de leur concentration pourrait avoir des répercussions importantes sur les précipitations, et donc sur le cycle de l’eau et le climat.

Sans oublier les conséquences sanitaires: dans les régions exposées aux vents du désert, ces particules participent à la pollution atmosphérique, mais peuvent aussi être vectrices de maladies. Tel est déjà le cas avec la fièvre de la vallée , endémique du sud-ouest des États-Unis, liée à un champignon qui atteint les villes porté par le sable.

 

Physcia leptaleaPhyscia leptalea

Physcia leptalea

Aucun lichen ne figure dans la liste nationale des espèces végétales protégées. Néanmoins certaines espèces sont présentes dans des listes régionales. C'est par exemple le cas de Lobaria pulmonaria, inscrit dans la liste régionale des espèces végétales protégées en Haute-Normandie et Basse-Normandie (arrêté du 3 avril 1990), ou de Peltigera ponojensis, qui figure dans la liste régionale de la région Centre (arrêté du 12 mai 1993). Contrairement aux autres pays européens, aucune liste rouge des lichens menacés n'existe actuellement en France, cependant des démarches sont en cours. Il existe la liste rouge des macrolichens dans la Communauté européenne par SÉRUSIAUX (1989) dans laquelle figurent plusieurs espèces pouvant être rencontrées en France comme Hypogymnia austerodes et Peltigera venosa. Divers sites en France sont protégés pour la richesse ou l'intérêt de leur flore lichénique, comme en forêt de Boulogne-sur-mer (Pas-de-Calais) ou le site de la Combe obscure dans la Drôme.

Il est dommage que les lichens soient souvent les parents pauvres des inventaires naturalistes car on a vu qu’ils ont beaucoup de choses à nous apprendre sur l’environnement. Les lichens sont parmi les organismes les plus sensibles de nos écosystèmes. C’est à peine si on les remarque sur l'écorce des arbres, les rochers, le sol, etc. Il est urgent d’enrayer le déclin alarmant des lichens. Les protéger ne se justifie pas seulement par les services qu’ils rendent à l'homme, mais surtout par l'importance de maintenir la biodiversité dans la nature. La biodiversité est une valeur inestimable: les organismes les plus insignifiants ont une grande importance. Il n'y a pas d'organismes moins utiles que d'autres. Tous contribuent à leur manière à l'équilibre des écosystèmes. La protection de toute forme de vie va donc de soi. Celle des lichens aussi! Conserver et protéger la nature dans toute sa diversité est pour nous un devoir éthique envers nos descendants.

Histoires de lichen
Au bout du voyage ?

DES ABBAYES disait que « le lichen n’est pas une algue et un champignon, mais une véritable unité nouvelle, un être nouveau »

Il existe un autre type d’association que le lichen entre une algue et un champignon. Mais à l’inverse des lichens, l’algue est peu modifiée et c’est le partenaire externe de la symbiose. Le champignon est un ascomycète et il est inclus dans les organes reproducteurs de l’algue. C’est ce qu’on appelle une mycophycobiose. A la différence du lichen, la mycophycobiose conserve l'allure de l'algue, ne présente pas de reproduction asexuée et ne synthétise pas de métabolites particuliers.

Les lichens nous montrent que la notion d’entité autonome n’existe pas. Le thalle est la résultante d’interactions entre différents organismes impliquant une communication, un développement dirigé et des remaniements. Et les recherches montrent que c’est également le cas chez les plantes et les animaux. Tout est la résultante d’interactions mutualistes entre divers organismes. Les conséquences de cette association dépassent les partenaires mais elle est avant tout créatrice : elle construit les organismes et permet l’acquisition de nouvelles fonctions, bien plus rapidement que par simples mutations aléatoires. Les potentialités apportées par cette association sont plus flexibles que celles apportées par les gènes. S’associer est un des puissants moteurs de l’évolution qui ne se limite pas qu’à des mutations du matériel génétique.

Par leur amplitude écologique, les lichens ont certainement tenu un rôle important voire déterminant dans l’expansion des espèces.

Protéger les lichens, c'est se pencher sur eux, c'est les reconnaître, c'est reconnaître leur existence. Ce qui a toute son importance pour des organismes dont l'identité même est souvent floue pour nombre de citoyens. C'est ensuite communiquer qu'ils ne sont pas des parasites et qu'ils ne font pas de mal ni aux arbres, ni aux murs sur lesquels ils poussent.

Psicholechia lucida
Psicholechia lucidaPsicholechia lucida

Psicholechia lucida

Hoffmann, Amoureux et Willemet écrivaient en 1786 que le lichen est le « chaînon qui joint le règne végétal au minéral, un végétal imparfait » « Pendant que tout est mort dans la nature, que le botaniste ne peut rien contempler, il trouve malgré cela quelques objets de curiosité et de méditation dans les lichens » Longtemps restés un mystère pour les scientifiques, il en reste beaucoup à apprendre sur les lichens, d’une part parce que ont les a négligés et d’autre part parce que de nombreuses régions sont insuffisamment prospectées, parmi les plus inhospitalières du monde (zones polaires, hautes montagnes)

« Ce qui m’émeut dans les lichens, c’est leur fantastique puissance de vie » écrivait le poète italien Camillo Sbarbaro (1888-1967) Devant quels « êtres » vivants sommes nous ? Échappant à la notion d’organisme, les lichens nous montrent que le vivant est infiniment plus complexe que nos schémas simplifiés.

On a beaucoup discuté si le lichen est une association, une symbiose, une forme de parasitisme, etc. On a même parlé d'esclavagisme, de domination du champignon mais en tout cas, l'état lichénisé semble essentiel dans le succès des algues microscopiques en milieu terrestre. Cette notion "d'état lichénisé" rejoint assez bien la tentative de définition d'un lichen comme un système dynamique en équilibre.

Nous avons utilisé ces expressions (esclavage, parasitisme, mariage, etc.) pour imager, illustrer et décrire les lichens mais gardons nous bien d'étudier la nature en lui accolant des termes, des notions et des sentiments humains. L'anthropomorphisation de la nature est un biais cognitif dont il faut s'affranchir pour une connaissance objective de la nature. Intéressant pour la vulgarisation, l'anthropomorphisme est à utiliser avec discernement et justesse.

Témoins silencieux du passé, sentinelles de l’avenir, les lichens suscitent encore beaucoup d’interrogations. Ce n’est finalement pas au bout du voyage que nous sommes, mais au début d’une nouvelle aventure tant les lichens ont encore de choses à nous apprendre.

Sources

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Schmull, Michaela. “Dictyonema huaorani (Agaricales: Hygrophoraceae), a new lichenized basidiomycete from Amazonian Ecuador with presumed hallucinogenic properties.” The Bryologist 117(4):386-394. 2014.

Véronique Leclerc,Jean-Yves Floc'h, Les secrets des algues

Marc André Sélosse, Jamais seul

Thomas H. Nash, Lichen Biology

 

 

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