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Le genre Sassemangus, champignon mycorhizien des âneries

Ce n'est (heureusement) pas un nouveau genre de champignon découvert par la communauté des mycologues. Sous ce titre se trouve un article, volontairement parodique, de toutes les âneries qu'on peut lire sur les réseaux sociaux concernant les champignons.

En fait, sur les réseaux sociaux, c'est une diversité qui n'a rien à envier à celle des champignons en forêt. On y trouve des mycologues professionnels, des amateurs éclairés, des gens de bonne volonté qui veulent apprendre. Mais on y trouve aussi des exemplaires indigestes dont on va passer en revue quelques membres.

N'oublions pas que ce qui fait aussi la force d'un réseau social, c'est la diversité de ses membres et quelque soit le niveau, c'est la même passion qui nous anime.

Le genre Sassemangus comestibulus

C'est un genre (dérivé du français "Ça se mange ?") assez représenté qui se caractérise sur les publications par la question classique "ça se mange ? C'est comestible ?". Ils sont rarement intéressés par connaître le nom du champignon ou progresser dans l'identification. Considérant les réseaux sociaux comme un supermarché ou une pharmacie, ils voient dans tout ce qui dépasse du sol un moyen de subsistance. Les services secrets de la mycologie mènent actuellement une enquête poussée dans les frigos de ces membres pour voir si la famine explique éventuellement ce comportement.

Notons également que cette espèce n'est pas nécessairement dangereuse pour les autres, juste pour eux mêmes s'ils se contentent de manger seul leur récolte.

Donner un nom de champignon sans explication n'est pas rendre service à ces membres. C'est prendre le risque à coup sûr que la prochaine fois qu'ils rencontrent le même champignon, ils se trompent. Il n'y a pas de secret. Il faut se sortir les doigts du panier, apprendre, faire des sorties accompagnés pour acquérir la méthodologie.

Ne jetons par le carpophore sur les Sassemangus. Avec la remise en question,  le travail, la méthodologie, ce genre devient un excellent comestible.

Affamé comme les zombies, le genre Sassemangus

Affamé comme les zombies, le genre Sassemangus

Le genre "rosé des prés"

Ils se reconnaissent au fait que dès qu'une photo d'un champignon avec des lames roses et un anneau paraît, ils écrivent "rosé des prés"

Rappelons au passage que des champignons avec des lames roses (le genre Agaricus), il y en a près d'une centaine en France et que le rosé des près (Agaricus campestris) n'en est qu'un membre. Rappelons les critères pour reconnaître l’Agaric champêtre, le fameux Rosé des prés, car tout ce qui ressemble à un agaric n’est pas forcément un rosé. Le rosé se caractérise par une bonne odeur, une chair qui conserve la même couleur ou rosit légèrement après grattage, un pied qui se rétrécit vers la base et enfin un anneau très fugace, non persistant. Si vous voyez un agaric avec un bel anneau, vous pouvez exclure à coup sûr le rosé.

Le genre "lait orange donc lactaire délicieux"

Il n'y a pas que le lactaire délicieux (Lactarius deliciosus) qui possède un lait orange mais aussi Lactarius deterrimus par exemple. Tout dépend de l'essence sous laquelle pousse le champignon. Le délicieux pousse sous pins, le deterrimus sous épicéas. Donc avant de crier au délicieux, on lève les yeux pour voir sous quel arbre on est.

Un vrai rosé des prés (Agaricus campestris)

Un vrai rosé des prés (Agaricus campestris)

Le genre "j'en mange depuis la nuit des temps et je suis toujours vivant"

Ce n'est pas parce que vous n'êtes jamais tombé malade en consommant tel champignon que ce sera le cas également pour quelqu'un d'autre. Refusez comme preuve tout témoignage qui n'engage que son auteur ; on est physiologiquement tous différents.

De plus, certains champignons ont une toxicité chronique, c'est à dire que c'est la consommation dans le temps qui un jour entraîne la maladie

Le genre "c'est la pleine lune les champignons poussent"

La lunaison, dans l'état actuel de nos connaissances, n'a aucune influence sur la pousse des champignons. Vous aurez davantage de chance de croiser un loup garou qu'entendre pousser les champignons.


 

Un cueilleur garou

Un cueilleur garou

Le genre "il faut couper le champignon comme ça il repousse"

Au vu des propriétés de régénération du mycélium, couper ou arracher, peu importe. La méthodologie utilisée n'a aucune influence sur la survie et future croissance du mycélium.

Arracher un champignon facilite néanmoins la détermination offrant ainsi la totalité du pied ou stipe, contrairement à couper un champignon. C'est la méthode qui doit être privilégiée lorsqu'on est dans une phase de détermination d'un champignon. Lors d'une cueillette d'un champignon que l'on connaît parfaitement, la méthode utilisée n'a aucune importance.

En revanche, les contraintes soumises au sol par la cueillette ne sont pas sans effet: sur les surfaces piétinées, l’on dénombre un quart de fructifications en moins que sur les surfaces non récoltées. Cet effet n’a toutefois été visible qu’à court terme: dès que le piétinement cesse, les champignons repoussent en aussi grand nombre qu’auparavant; aucun effet négatif à long terme ne semble être induit. Pour résumer: les champignons subissent beaucoup plus l’influence d’autres facteurs, par exemple l’augmentation des dépôts azotés, ou des modifications du milieu naturel. Les conditions météorologiques décident avant tout s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise année pour les champignons.

Tout ceci n'est pas une raison pour faire n'importe quoi et piller une station de champignons. Le bon sens veut que l'on respecte l'environnement mais aussi qu'on ne cueille que le nécessaire pour sa propre consommation.

Pour en savoir davantage, je vous invite à consulter le lien suivant :

Le genre "pépé Gaston du fond de la vallée connaît tous les champignons"

Avec près de 30 000 champignons recensés en France, pépé Gaston est très fort !

La mycologie est une science en perpétuelle évolution, aussi bien dans la nomenclature des espèces que dans la mycotoxicologie. Un champignon noté comestible dans un ouvrage ancien n'est plus nécessairement considéré comme comestible actuellement.

Avec le réchauffement climatique, de nouvelles espèces peuvent apparaître dans votre secteur et leur ressemblance avec des espèces locales comestibles peut être préjudiciable (exemple de Clitocybe amoenolens, responsable du syndrome acromélalgien, qui peut être confondu avec Lepista inversa)

Par conséquent, on se constitue régulièrement une bibliographie et on maintien ses connaissances à jour en participant à des sorties, des stages, des sessions, etc. On ne fait pas une confiance aveugle à pépé Gaston ou au moins on s'assure qu'il se maintient à jour.

Pour conclure de façon constructive

Après cette parodie qui malheureusement reflète des choses réelles et vécues, précisons que toute ressemblance avec une personne réelle est fortuite.

Gardons à l'esprit qu'il ne s'agit surtout pas de se moquer des personnes qui consomment des champignons. Au contraire. La notion de comestibilité est souvent la porte d'entrée pour s’intéresser à d'autres facettes de la mycologie

On ne demande pas sur un réseau social si un champignon est comestible, comme on ne vérifie pas une comestibilité dans un ouvrage ancien. La mycotoxicologie est une science qui évolue et un champignon considéré comme comestible hier ne l'est plus forcément aujourd'hui au vu des nouvelles connaissances.

Le mycologue Guillaume Eyssartier nous indique que 99.99 % des espèces de champignons ne sont pas comestibles. La probabilité donc de tomber sur un champignon inconnu et comestible est donc faible.

On gardera à l'esprit qu'un bon cueilleur est quelqu'un de prudent, de méfiant, qui remet sans cesse ses acquis en cause, qui s'informe des dernières découvertes et qui n'adhère pas aux idées reçues non justifiées. En mycologie, le doute est gage de longévité.

Le bon cueilleur ne véhicule pas également des mythes et idées reçues comme la lune qui influencerait la pousse des champignons, que les champignons sont des plantes, que la couleur et l'odeur renseignent sur la comestibilité, que si une limace mange un champignon, on le peut aussi. Le bon cueilleur sait que ce sont des fadaises.

Le bon cueilleur partage aussi ses connaissances avec tout le monde. Il sait qu'exhiber son panier rempli n'apportera rien à personne.

Le bon cueilleur est également quelqu'un de curieux qui fait fonctionner sa cervelle et pas que son estomac. Il sait que chaque champignon a son utilité dans l'environnement et qu'ils ne sont pas là pour remplir les assiettes des affamés.

Mais le bon cueilleur est aussi quelqu'un de modeste qui ne cache pas son ignorance devant un règne du vivant dont on n'a même pas identifié 1 % des espèces qui le constitue. Le bon cueilleur sait qu'un champignon est un membre essentiel de l'écosystème et que sans lui il n'y aurait plus de forêt. Rien que pour ça il le respecte et si la curiosité l'habite, il se rapproche d'une société mycologique locale et fait des sorties avec des professionnels.

Et même si la cueillette n'a pas été bonne, s'oxygéner au contact de la nature, faire de la marche, bouger, c'est déjà très profitable. On ne rentre jamais bredouille d'une promenade en forêt.

 

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