Chacun d'entre vous a certainement ou peut être déjà croisé lors de ses balades un membre du genre Veronica. La plus connue est la véronique de Perse (Veronica persica) qui s'épanouit généralement en jolis tapis bleus au printemps.
Cet article traitera tout particulièrement de la fleur dans le genre Veronica mais aussi des lusus qu'on peut y rencontrer.
Le lecteur curieux qui désire approfondir ses connaissances sur ce genre pourra également consulter l'article suivant :
Une fleur, de façon schématique, est constituée des 4 structures suivantes :
- sépales
- pétales
- étamines
- carpelles.
Ce schéma de base n'est pas systématique et les angiospermes nous offrent une riche variation sur ce thème.
Chez le genre Veronica, la fleur se constitue :
- de 4 sépales formant un calice
- de 4 pétales formant la corolle. Ces pétales sont soudés à leur base. La fleur est donc gamopétale.
- de 2 étamines soudées à la corolle.
- de 2 carpelles formant un ovaire. Le pistil est surmonté d'un seul style.
Les fleurs chez Veronica sont donc hermaphrodites. Elles sont généralement de couleurs bleu, rose ou blanc. Chez beaucoup d'espèces, l'un des pétales est plus petit et plus clair que les trois autres
Leur pollinisation est principalement autogame (autofécondation) mais aussi entomogame, donc réalisée par des insectes, par exemple des diptères ou des abeilles sauvages du genre Andrena.
Les fruits, contenant les graines, sont dispersés par le vent, la pluie ou les animaux.
Fruits de V. hederifolia, montana, persica. En bas à droite : fruit de V hederifolia contenant les graines
L'édification de l'organe floral est décrite selon le modèle dit ABC. La fleur naît au niveau du méristème floral et son architecture dépend de différents gènes homéotiques : les gènes de classe A, B et C, d'où le nom de modèle ABC. Ces gènes codent pour des facteurs de transcriptions qui vont se lier à l'ADN et déclencher une cascade de régulation d'autres gènes.
Un gène homéotique est un gène qui détermine le plan d'organisation d'un être vivant, c'est à dire la place des organes les uns par rapport aux autres. Ce type de gène existe aussi chez les animaux.
Sans rentrer dans le détail de ce modèle, on peut retenir qu'une mutation dans une classe de gènes va transformer une structure en une autre. Par exemple une mutation d'un gène de classe B fait qu'un pétale devient un sépale.
A côté de ces structures florales et moins fréquent à observer, on trouve le lusus floral (Du latin lusus signifiant jeu, badinage). Par allusion, les changements morphologiques seraient dus à un badinage de la nature
Il s'agit d'une anomalie morphologique de la fleur, d'origine génétique (mutation ou altération de l'expression d'un gène) ou externe (attaque d'un insecte ou piétinement), sans "valeur" évolutive ou taxonomique.
Les amateurs d'orchidées sauvages connaissent bien les lusus chez ces fleurs.
Voilà différents lusus que j'ai pu observer chez Veronica persica :
Dans chaque cas , on constate l'apparition d'un pétale supplémentaire ou un pétale échancré qui n'est pas suffisamment divisé pour former un pétale supplémentaire.
4 lusus différents ont été observés dans un tapis de fleur de 2 mètres carré. Les biotopes d'observation sont un abord de champ de maïs et une prairie permanente pâturée par des ruminants. Ces biotopes sont cohérents avec l'espèce Veronica persica qu'on retrouve dans les lieux cultivés.
On peut raisonnablement exclure ici une mutation dans le système ABC du méristème floral concerné puisque aucune autre structure n'est affectée et qu'il s'agit simplement d'une anomalie morphologique d'un pétale. Exceptée cette anomalie, la fleur possède bien ses deux carpelles et ses deux étamines. Il existe une mutation dans la classe C qui fait qu'une étamine devienne un pétale mais c'est à priori exclu ici.
Ne me promenant pas avec un séquenceur d'ADN dans la poche, je ne peux que proposer des hypothèses quand à la présence de ces lusus. Vu que les autres fleurs de la plante ne sont pas affectées, je privilégie un lusus d'origine traumatique ou accidentelle avec comme causes possibles des parasites, virus, traitements phytopharmaceutiques, piétinement, etc.
Quel mécanisme entraîne ces anomalies ? Une mutation ou l'épigénétique ? L'épigénétique définit des modifications transmissibles et réversibles de l'expression des gènes ne s'accompagnant pas de changements des séquences nucléotidiques. Pour répondre à cette question, il faut observer si l'anomalie est reproductible d'une année sur l'autre et si elle est transmissible.
D'autres lusus sont à observer ici
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val di Champorcher - Veronica alpina anomala pentamera , Forum Natura Mediterraneo
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Veronica persica in forma teratologica? , Forum Natura Mediterraneo
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On a ici une anomalie morphologique très surprenante et qui n'a affecté qu'une fleur de la plante : deux sépales sont devenus des feuille et le carpelle est remplacé par des feuilles. On a peut être bien ici une mutation de classe C, mutation connue pour transformer les carpelles en sépales.
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Chez Veronica chamaedrys, la hampe florale peut être remplacé par une galle. Cette galle est induite par la ponte d'un diptère nommé Jaapilella veronicae.
Fleur discrète mais souvent d'un bleu chatoyant , la véronique ne passe en général pas inaperçue mais elle semble si commune qu'on n'y prête plus guère attention.
Et pourtant il suffit de s'arrêter, d'observer et la nature nous révèle toute sa diversité. Les lusus en font parties et je vous invite à en observer chez les orchidées sauvages.
Ces anomalies sont certainement de simples incidents de parcours, des accidents intervenant au cours du développement mais néanmoins elles nous enseignent qu' une espèce végétale peut répondre de façon surprenante à une modification de son environnement, à une agression. N'oublions pas que, contrairement aux animaux, une plante ne peut pas fuir devant un danger. Le règne végétal ne manque pas d'imagination pour lutter contre les agressions.
Est ce que le lusus est une réponse à une agression ou une conséquence collatérale sans intêret ? Difficile de répondre à cette question. Une petite fleur aussi "banale" que celle de la véronique nous enseigne que la diversité se trouve à nos pieds, même (et heureusement) entre les individus d'une même espèce. C'est ce qui fait la force d'une espèce. Jamais seul et diversifié, l'enseignement qu'il faudrait retenir de l'observation de la nature.